Jojo le terrible

Auteur | Didier Lévy |
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Illustratrice | Caroline Hue |
Editeur | Gründ – 2024 |
Jojo est un monstre. Mais Jojo a un problème : IL NE FAIT PAS PEUR. Il est même plutôt mignon, le pauvre. Pire encore : plus il tente d’être effrayant, plus on a envie de lui faire des câlins ! C’est agaçant…Que pourrait-il bien inventer pour terrifier son monde ? Un jour, il lui vient une idée…
Mots-clés : monstre, peur, différence, émotions
Présentation générale
Jojo est un monstre. Il voudrait être un monstre TERRIBLE mais le problème c’est qu’il est tellement mignon que personne n’a peur de lui. Il a beau tenter de terroriser les autres en criant BOUH ! dans tous les coins, ça ne marche pas. Ses parents, par gentillesse, font semblant d’avoir peur mais Jojo sait bien que c’est seulement pour lui faire plaisir…Il tente tous les subterfuges : se décoiffer, travailler l’art de la grimace, se déguiser en collant sur lui tentacules, verrues et fausses cicatrices pour changer son apparence, rien ne marche. Il est toujours aussi mignon… Les autres monstres l’ignorent, les vaches restent impassibles, les lapins ont peur deux secondes puis se mettent à lui faire des bisous. Echec complet ! Jojo, désespéré, s’imagine être autre que ce qu’il est, il s’invente des aventures incroyables. Quand il se met ensuite à les raconter à ses copains, il se rend compte du plaisir qu’ils prennent à l’écouter. Alors il commence à inventer des histoires qui font vraiment peur, à les raconter aux autres, à peaufiner son rôle de conteur en maintenant le suspense. Et le public adore… Bientôt son auditoire augmente, les parents des copains viennent aussi l’écouter, tout le monde se met à adorer les histoires terrifiantes qu’il imagine et qu’il raconte si bien. Il a un succès…monstre !!
Nos commentaires
Jojo le Terrible nous a séduits pour trois raisons principales : le côté attachant du personnage ; son humour, tant au niveau du texte que des dessins ; et le sens très positif du message que propose l’histoire.
Jojo n’est effectivement pas terrible du tout. Il a tout du petit monstre doudou que l’on a envie de serrer dans ses bras, tout rond, une boule de poils roses. Avec ses deux petites cornes jaunes en spirales qui sont tout sauf agressives, ses grands yeux qu’il peine à rendre effrayants, il est évidemment très différent des autres membres de la famille de monstres à laquelle il appartient. Et plus il cherche à faire peur, plus il est attendrissant…
L’humour de l’album est beaucoup dans les dessins, bien sûr, à commencer par la couverture où l’on doit nous préciser que Jojo le Terrible n’est pas, comme on le suppose au premier coup d’œil, ce monstre noir, griffu, poilu et tellement grand qu’il dépasse le format du livre…, le seul qui pourrait d’ailleurs nous faire vraiment peur par sa taille et sa tête qu’on imagine mais qu’on ne voit jamais. Si tous les autres monstres qui peuplent le livre, mi animaux mi humanoïdes, savent mieux faire peur que Jojo, ils sont malgré tout plutôt drôles à regarder et pas vraiment effrayants. Ce sont des familles de monstres inoffensifs. A part les parents de Norbert qui s’amusent à perdre leurs cinq fils au centre commercial et ceux de Samantha qui adorent manger les consoles de jeux de leurs enfants…La monstruosité vue par les yeux de Jojo !
En fait, les monstres vraiment effrayants, vraiment terribles, seront ceux créés par l’imagination de Jojo quand il va se mettre à inventer des histoires à faire peur. Au passage, un petit clin d’oeil de l’illustratrice au squelette Oscar de la série Oscar et Carrosse.
Si l’on sourit beaucoup en regardant les illustrations, le texte lui-même, qui se prêtera avec bonheur à une lecture à voix haute, est très plaisant lui aussi. Assez court, simple, très en phase avec le dessin, il joue avec les émotions (Il est plutôt mignon, le pauvre !), les onomatopées (les BOUH ! inefficaces), la graphie (TOTALEMENT DECOURAGE ; très, TRES peur ; VRAIMENT TOUT LE MONDE).
Et ce VRAIMENT TOUT LE MONDE signe la fin du livre puisqu’on y retrouve le monstre noir, poilu, griffu de la couverture, celui dont on ne voit pas la tête tellement il est grand. Texte et dessins se fondent entre eux pour le clin d’œil de la dernière page, jeu de mots graphique qu’il faudra commenter avec les enfants : un succès monstre, le mot monstre étant « dessiné », yeux, dents et poils noirs rappelant le géant de la couverture… Jojo le Terrible réussit terriblement bien à faire peur…avec des mots !
Tout cela donc pour porter aux jeunes lecteurs un message qui nous semble intéressant, rassurant, constructif. Outre l’hommage à l’imagination, aux histoires et donc à la littérature, outre le sentiment bien connu des enfants qu’il est agréable de se faire peur avec les histoires, les contes, puisque ce n’est pas une « vraie » peur, il y a l’idée que le petit Jojo après avoir cherché à être autre que ce qu’il est vraiment, finit par parvenir à son but mais sans se renier, en restant lui-même et en découvrant le don de conteur qu’il a en lui. Quand, de dépit, il se met à imaginer vivre des aventures formidables par colère, dans sa tête il s’invente très laid, très cruel, très malin, et c’est ainsi qu’ il se rend compte de sa grande capacité à inventer des histoires terrifiantes. Et ça marche ! Le public abonde…Le beau pouvoir de l’imagination ! Faire peur en inventant des histoires avec la complicité des auditeurs qui adorent ça, et puis ensuite en redemandent, en rire ensemble, quel plaisir ! Jojo qui se surprend lui-même devient très vite professionnel, ménage le suspense, se fait prier pour raconter la suite, tient son public en haleine, il est LA vedette de son petit monde de monstres. Et c’est bien mieux que de faire vraiment peur en se forçant…
L’ensemble du livre, avec son côté cartoon, est gai, vif, rythmé. Caroline Hüe (l’illustratrice de Bande de boucans) et Didier Lévy (auteur de très nombreux ouvrages et de séries à succès) ont constitué là un beau duo pour réaliser un album vraiment réjouissant. A lire de la petite section au CP !
Pour prolonger la lecture
Et sur le thème de la différence et de l’importance d’être soi-même, on relira avec bonheur Je veux qu’on m’aime de Leo Timmers chez Milan !