Le pays des sables

Le pays des sables
Auteur

Xavier-Laurent Petit

Illustratrice

Amandine Delaunay

Editeur

Ecole des loisirs – coll Neuf – 2023

Les dunes de sable, le désert de Mauritanie et son grand-père Hassen, le chamelier : Yani ne les avait jamais vus. C’est la première fois que sa mère l’emmène à la découverte du pays où elle a grandi, avant de partir étudier la médecine. Un monde si proche et si lointain à la fois, que Yani l’imaginait à peine, avec sa chaleur écrasante et la beauté infinie du ciel étoilé.
Mais le temps presse : Hassen veut à tout prix transmettre à Yani l’art ancestral de guider un troupeau à travers les mille pièges du désert, jusqu’à l’oasis bienfaitrice. Et voilà Yani à la tête de 114 chamelles…

Mots-clés : relation adultes-enfants, initiation, famille, Afrique

Présentation générale

Après Mission Mammouth, Xavier-Laurent Petit, remet son art au service de la collection « Histoires naturelles » de l’Ecole des Loisirs, des histoires « à la croisée de la fiction et du documentaire, de l’aventure et de l’écologie ». Ici, c’est dans l’immense désert de Mauritanie qu’il a situé ce roman prenant, récit autant initiatique qu’ethnologique mis à la portée des jeunes lecteurs.

Yani, dix ans, va passer des vacances extra-ordinaires puisqu’il va découvrir à la fois le pays de l’enfance de sa maman, son grand-père qu’il n’a jamais vu, le désert qui lui est inconnu et la vie des chameliers qu’il ne pouvait imaginer. Mais rien ne se passera simplement car cette vie nouvelle est rude et difficile, car les relations entre les êtres n’ont rien à voir avec ce qu’il connait en France, car ce qu’il va découvrir va le faire grandir et lui apprendre d’autres valeurs que les siennes.

Nos commentaires

Ce récit est raconté à hauteur d’enfant. C’est Yani qui va commenter les jours passés en Mauritanie, comme un journal de bord de son expédition, avec les dates égrenées en tête de très courts chapitres de quelques pages. Il y met ses émotions les plus intenses, son regard nouveau sur son environnement et une autre façon de penser les événements.
L’aventure qui tient tout le livre est le déplacement du troupeau de chameaux de son grand-père, du village où il fait tellement chaud que les puits sont à sec, jusqu’à l’oasis située à l’autre bout du désert où les premiers orages vont arriver et donner de l’eau à souhait pour les animaux. Durant cette transhumance, l’enfant va découvrir un pays, une façon de vivre et des relations très particulières avec sa mère et son grand-père.

Ce pays « de sable » qui nous est conté est la Mauritanie. Mais ce n’est pas le pays placé sur une carte que l’enfant va découvrir. Il va comprendre l’importance de ce sable qui envahit les maisons, les puits et les axes de communication. Il va vivre le vent qui le déplace, grignote des bouts de terre, ensevelit les maisons et assèche la végétation. Il va comprendre que le réchauffement climatique fait ici aussi des ravages avec des températures de plus en plus fortes, des contrastes de plus en plus violents et des populations paupérisées et soumises à rude épreuve. Yanis va éprouver concrètement la fatigue de la marche dans le sable, la soif continue qu’on ne peut étancher, les animaux contre lesquels il faut se battre, la notion de survie et l’impériosité de se contenter du minimum pour se nourrir quand il a connu l’opulence occidentale. Il découvrira également que des peuplades anciennes, en voie d’extinction, vivent encore en nomades là-bas et qu’elles ont laissé, sur des grottes, des traces d’une autre vie avant le désert. « Le désert s’apprend en marchant » lui dit son grand-père ; c’est ce qu’il va faire. Et en contre-point des dangers évoqués, Yanis découvrira aussi les merveilles de cet espace surdimensionné telles que la voûte étoilée comme nulle part ailleurs ou le désert qui fleurit rose après la pluie.

Pour survivre dans de telles conditions, il faut avoir une façon de vivre adaptée, une vie à l’opposé de celle que Yani connaît en France. Et ce deuxième axe que nous présente l’auteur permet de nous questionner sur notre propre vie en comparant toutes ces différences. Par la voix de l’enfant qui rejette dans un premier temps ce qui lui est proposé car il le voit à l’aune
de la vie de ses camarades restés à Paris : Qu’est-il venu faire ici ? Où sont ses parties de skate ? les après-midi entre copains ? Pourquoi son grand-père a-t-il une voiture si « pourrie » ? Pourquoi mange-t-on toujours la même chose ?… Cela nous montre une vie simple avec des habitations très utilitaires : matelas posé au sol, ampoule pendant du plafond, repas pris assis par terre avec des produits nouveaux, l’extérieur qui s’invite dans les pièces comme les chauves-souris ou le vent qui s’y engouffrent…L’enfant croit qu’il ne s’y habituera jamais et pourtant il acceptera le thé brûlant et amer et l’appréciera peu à peu, il craint la nuit noire mais apprendra à y lire des repères et à s’en faire une boussole, il ne voit rien autour de lui mais il aiguisera son regard pour déceler un animal proche, il ne connaît pas les chameaux mais il saura diriger le troupeau. C’est une autre façon de vivre, en symbiose avec son milieu et sans tous les éléments de confort qu’il connaissait avant.

Yanis va vivre intensément au contact de son grand-père et de sa mère. Les relations dans ce triangle familial vont évoluer au fil du voyage.
Sa mère va se révéler très différente de ce qu’il la connaît à Paris. Elle sait faire de nombreuses choses qu’il ne soupçonnait pas comme changer une courroie de moteur de voiture, tenir une carabine, faire du feu, marquer les animaux au fer rouge ou parler tamasheq. Elle est néanmoins soumise à son père, regrettant à peine les coups de badine qu’elle a reçus de sa part durant son enfance. Si elle s’oppose à la place réservée aux femmes dans ce pays, elle a du mal à s’imposer dans un contexte très ancestral qui fait la place belle aux hommes : « Ce n’est pas la place d’une femme ». Son père lui en veut d’avoir quitté le pays et d’avoir renié la vie qu’il lui avait apprise. Mais elle va lui montrer qu’elle n’a rien oublié de ses enseignements et qu’elle garde ses deux cultures associées. Elle est souvent en retrait, juste tolérée par son père dans le déplacement mais y joue un rôle de garde-fou qui rassure son fils.
Son grand-père, qu’il ne connaissait pas avant ce voyage, lui donne à vivre la culture de son pays. Il veut lui transmettre tous ses savoirs avant sa mort et les changements importants qui arrivent dans son monde. Il n’est pas dans le langage ou les explications. Il veut que son petit-fils apprenne en faisant, en observant, en essayant : « C’est à toi de nous guider. » Même si cela peut être dangereux pour lui comme une rencontre avec un serpent, une disparition dans un vent de sable ou une chute qui le blesse. Il lui fait confiance et veut le responsabiliser mais cela va apporter beaucoup d’angoisses et de solitude à l’enfant. Ce grand-père est touchant à sa manière. Il semble fermé, têtu, blessant et même abrupt mais il démontre beaucoup de patience dans la transmission des savoirs en apprenant à son petit-fils à être attentif à son milieu.
Le point de vue de l’enfant est intéressant. Celui-ci est transplanté dans un monde hostile où il découvre la douleur, la souffrance, l’attente, le questionnement. Le choc des cultures auquel il est confronté le révolte au départ et ce ne sera qu’à la fin de l’aventure qu’il en mesurera toute la valeur en appréciant de simples choses. Ainsi quand la pluie arrive après de longs jours de chaleur, « [il se sent] soudain incroyablement heureux, comme si tout le bonheur du monde ruisselait sur nous. ». C’est au travers de ce regard d’enfant que le lecteur apprend beaucoup, sur le pays, la vie du désert et les habitudes de vie. Et c’est grâce à lui qu’il va vivre, par procuration, des émotions intenses et bouleversantes.

Les illustrations d’Amandine Delaunay se déploient en bleu et noir comme une plongée froide et solitaire en opposition à la chaleur dégagée par le récit. Ce sont des pleines pages, des cartes, des petits dessins, des empreintes qui ponctuent le texte en lui apportant des respirations, jusqu’au dernier croquis qui réunit les trois personnages dans un esprit de sérénité et de chaleur humaine. C’est aussi le bleu des Touaregs qui prend une belle place en accompagnement de ce voyage.

Notre avis

Avec ce récit poignant et passionnant, Xavier-Laurent Petit nous plonge dans une longue traversée du désert ponctuée d’une belle rencontre entre un grand-père et son petit-fils que tout semble opposer. C’est une histoire touchante de passation, de nature, et de mélancolie par rapport à un mode de vie qui est en train de disparaître. C’est aussi une succession d’événements qui dynamisent le récit et lui donnent de l’épaisseur.

L’écriture simple mais forte arrive à nous faire pénétrer dans cet univers inconnu, en passant par les sens, les émotions et les traditions. C’est un très beau roman d’aventure dans lequel le lecteur ne s’ennuiera pas et en ressortira peut-être, lui aussi, un peu changé…

Pour les enseignants, un dossier pédagogique est proposé sur le site de l’Ecole des Loisirs.

Pour aller plus loin

Nous vous proposons un autre livre de la même série et du même auteur : Mission mammouth qui vous emmènera en Sibérie au début du XXème siècle pour une expédition passionnante autour de la découverte d’un mammouth congelé.
D’autres titres de cette même série de l’Ecole des Loisirs vous intéresseront sûrement.

Pour aller plus loin sur l’Afrique, découvrez L’Afrique, Petit Chaka, un magnifique album de Marie Sellier et Marion Lesage aux Editions des Musées Nationaux (2001) dans lequel on retrouve la relation Grand-Père /Petit-fils autour des traditions africaines.

Une dune qui chante : histoires des pays du sable de Philippe Bastien et Stéphane Heuet chez L’Harmattan (2013)
Une dune qui chante, des peintures rupestres qui prennent vie, un homme qui confond l’heure et le temps, une petite fille et des acacias… Ces histoires des pays du sable racontent le Sahara des Berbères, des Chaambas, des Maures, des Peulhs, des Touaregs, des Toubous.

Et pour ceux qui veulent en savoir davantage sur Théodore Monod évoqué dans l’histoire : Théodore Monod, un savant sous les étoiles de Bruno Doucey illustré par Zaü aux Editions A dos d’âne (2009)