Mon chien banane
Auteure | Roxane Brouillard |
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Illustratrice | Giulia Sagramola |
Editeur | Les 400 coups – 2020 |
Ce n’est pas un chien, c’est une banane.
Une quatrième de couverture très courte !
Mots clés : langage, point de vue
Présentation générale
Dans la rue, un petit garçon promène une banane attachée à unelaisse. A la première personne qu’il rencontre et qui s’étonne, il répond sans sourciller qu’il promène son chien. Tout le monde se moque de lui et lui oppose des arguments qui semblent d’évidence. Mais il a réponse à tout et n’en démord pas. Imperturbable, il repart en traînant sa banane : « Viens mon chien, ils n’y connaissent rien. » La chute finale, sous forme de gag, est très drôle et laisse pantois tous ceux qui se sont moqués.
Nos commentaires
Ce livre est le premier album d’une autrice québécoise, Roxane Brouillard, qui partage son temps entre l’écriture et son travail de bibliothécaire. Si nous avons eu un coup de cœur pour ce livre, c’est d’abord parce qu’il nous a fait rire et que la chute, notamment, est très drôle et absurde.
Le petit garçon promène ce chien-banane dans la rue, il semble très heureux, très sûr de lui, il est, comme l’on dit, « à fond dans son histoire ». A chaque page, il va être confronté à la réaction d’un nouveau passant et va se retrouver au final entouré de huit personnes qui s’accordent pour se moquer de lui et lui asséner leur conception inébranlable de la réalité : ce chien ne bouge pas, n’a pas de poils, n’aboie pas, ne ramène pas la balle qu’on lui lance, donc ce n’est pas un chien, c’est une banane !
A chaque objection, le petit garçon plein de répartie apporte une réponse, une justification et prétend que ce sont les autres qui n’y « connaissent rien ». A la fin, c’est l’hilarité générale, tous s’allient pour se moquer de lui. L’enfant continue son chemin, complètement imperméable aux arguments déployés. Et c’est alors qu’intervient la chute, à la stupéfaction générale.
Petit instant croqué sur le vif, comédie absurde bouclée sur une surprise bien rendue à la fin sous forme de gag inattendu, le livre fait un clin d’œil à l’enfance et à la puissance de l’imaginaire. Le petit maître du chien-banane reste complètement immergé dans son histoire et rien de l’obstination réaliste des passants ne le fera dévier du sérieux de son jeu. Il y a là quelque chose de la magie de l’enfance.
L’illustratrice, Giulia Sagramola, est italienne. Elle a illustré là, elle aussi, son premier album. Ses dessins évoquent avec évidence son expérience en bande dessinée. Ses personnages sont tous très expressifs, il n’y a que quelques arbres esquissés en arrière-plan, rien ne détourne de la question à débattre : est-ce un chien ou est-ce une banane ?
Le texte est constitué uniquement des paroles échangées entre l’enfant et les personnes qui l’une après l’autre constituent le groupe des moqueurs. Ce sont comme des bulles de BD mais sans bulle autour : un trait noir sous le texte désigne celui qui parle. Là aussi on ne s’éparpille pas, le texte est concentré, une objection/une réponse, ce qui va donner son rythme à l’album et ouvrir sur l’humour et la surprise du gag final.
Les protagonistes de l’histoire sont variés, à l’image des passants dans la rue : des enfants, des adolescents, un homme, une vieille femme, deux femmes plus jeunes dont une en foulard avec un bébé.Une petite fille brandit une poire en dérision et prétend que c’est un chat pour ridiculiser l’attitude du garçon. L’homme a le rôle de celui qui ne croit que ce qu’il voit et qui pense déjouer les entourloupes par son grand sens du réel.
Petits clins d’œil : l’enfant noire est celle qui objecte que le chien est jaune. La femme qui observe qu’il n’a pas de poils tient, elle, un chien bien poilu en laisse et porte un manteau de fourrure.
Mais alors ? Ne concevons-nous finalement la réalité qu’uniquement de notre point de vue ? Y-a-t-il une réalité objective qui soit extérieure à la perception que chacun en a ?
Des questions sémiologiques affleurent : comment définir quelque chose par des caractéristiques significatives que personne ne pourrait remettre en question ? Qu’est-ce qui fait qu’une pipe est une pipe…ou n’en est pas une ? Vaste question… !
Et que vont finalement en penser de jeunes lecteurs ? Trouveront-ils tous l’histoire si drôle ? Qu’est-ce qui est vrai dans cette histoire ? Qui a finalement raison ?
En fait, le mystère reste peut-être entier…
Mais en tout cas, nous, nous avons bien ri à la dernière page !