Présentation

Monsieur Chat est solitaire. En hiver, alors qu’il part s’installer pour peindre dans la nature, il découvre une dernière feuille verte qui cache une « toute petite personne blottie dessous ». Il la réchauffe et la ramène chez lui. Sa vie se transforme alors.
Il l’habille, la nourrit et s’aperçoit qu’il ne peut plus dessiner tranquillement ! Elle touche à sa peinture, elle casse un vase, elle le chatouille…et ses remontrances la font pleurer ! Il est bien déstabilisé, Monsieur Chat. Que faut-il faire avec cette petite personne ? Il l’emmène dehors se promener. Ici, elle est heureuse, elle sautille dans la neige et….surprise fait jaillir des fleurs sous ses pas !
Monsieur Chat est un peu perplexe face à cette étrangeté. Et cela ne fait que commencer car voilà la plante tombée du vase qui se met « à pousser comme une folle ». Il trouve alors des informations recherchées dans un livre qui lui indiquent que la petite personne ne vit que la durée d’un hiver.
Le temps est donc compté. Monsieur Chat la laisse dessiner sur les murs, partager de bons beignets, s’endormir à ses côtés et jouer ensemble à l’envi dans la neige. Il savoure ces moments, adore regarder les petites fleurs qui naissent sous ses pas jusqu’à ce qu’une nouvelle feuille verte apparaisse et que bientôt, la petite personne disparaisse avec l’arrivée du printemps.

Nos commentaires

Dès la prise en main du livre, le lecteur comprend qu’il n’est pas conçu d’une façon classique. L’histoire commence sur l’intérieur de la couverture avec le personnage principal qui marche dans la neige, sa mallette de peintre à la main, dans un environnement hivernal grandiose. Puis face à la page de garde, le récit s’ouvre sur la situation de départ : premières phrases et première action, la découverte de la feuille verte. Nous voilà plongés dans le contexte. L’histoire peut alors se dérouler, tout doucement, et les pages vont se tourner en dégustant les superbes illustrations, la mise en page variée dans la dimension comme dans la précision et les couleurs, donnant l’impression de feuilleter un livre d’Art. Le lecteur en prend plein les yeux, cherchant les petits détails, se perdant dans les paysages, touchant les pages pour éprouver les rendus du graphisme tellement réaliste. De la même façon, le livre se referme avec l’image finale sur la troisième de couverture qui clôt et relance le récit d’une manière magistrale. C’est un superbe objet que l’on peut regarder de nombreuses fois sans se lasser, tant les productions plastiques sont de qualité. Et le contenu est tout autant intéressant et original.

C’est l’histoire d’une rencontre inattendue qui va bouleverser toute une vie.
Monsieur Chat, le solitaire, passe ses journées à dessiner et à peindre. L’autrice-illustratrice lui a dessiné un physique d’une rare douceur. C’est un chat, habillé comme un humain, avec des comportements, des positions, des poils tellement bien tracés qu’on a vraiment envie de le caresser comme s’il était sur nos genoux. Bien qu’animal, il a des expressions incroyables et il mène des activités humaines : lecture, cuisine, peinture.
La découverte de la « toute petite personne » va donner un sens à sa vie. Cette personne est une humaine mais minuscule et il va en prendre soin comme d’une enfant. L’inversion des rôles se fait grâce aux tailles différentes, le plus grand prenant en charge le plus petit, en l’adoptant à l’inverse de notre monde dans lequel l’humain adopterait un chat. Néanmoins, il ne se l’approprie pas, ne la nomme pas, l’accepte telle qu’elle est. Pour elle, le chat accepte de changer sa vie. Il était enfermé dans ses rituels et il a trouvé quelqu’un qui les bouscule, mais quelqu’un de plus fragile que lui, qui a besoin de sa protection.
Monsieur le Chat va savourer cette présence. Il apprécie ses chatouilles, sa spontanéité dans la maison, son enthousiasme dans la neige, ses dessins. Grâce à elle, il va s’améliorer, ne pas la gronder ni la faire pleurer. Elle lui donne une forme de conscience qui l’enrichit. Et quand il apprend qu’elle ne sera là qu’une saison, il veut en profiter au maximum même si à cette idée, il est songeur et inquiet.

Qui est cette « petite personne » ? L’histoire de le dit pas. On peut penser à une petite fée type « fée clochette » qui serait en charge de la nature. Elle volette, elle virevolte et la nature revit sur son passage. Son pouvoir est limité puisqu’elle crée de la vie en hiver puis disparaît au printemps. Elle ne parle pas mais communique par ses pleurs, ses joies, son attitude. Leur relation est très discrète mais on les sent bien ensemble. Elle pourrait même être sa fille quand on la voit avec son bonnet de chaton aux deux oreilles pointues à côté du grand chat. Elle est un peu magique puisqu’elle crée des fleurs sous ses pieds et transforme une plante en accélérant sa croissance. Mais ce pouvoir s’érode au fil de l’hiver. Elle illumine cette saison froide et blanche en lui donnant de la vie et des couleurs puis laisse le printemps prendre sa suite avec son renouveau.
Quand le chat veut en savoir plus sur cette étrange personne en consultant son encyclopédie et qu’il apprend qu’elle ne sera là que le temps d’une saison, il soupire, est songeur et ses expressions changent. On le sent préoccupé. S’il continue à jouer avec elle et qu’il est subjugué par ses petites fleurs, il pense déjà à la fin de leur histoire. Il s’y prépare. Il scrute les traces de la fin de l’hiver, il n’ose plus dormir et veille sur elle comme on veillerait un malade en fin de vie. Il accepte son départ mais voudrait être là pour lui dire « Au revoir ». Quand il ne la trouve plus dans la chambre, c’est le premier jour du printemps…
Il devient sombre, sans appétit, part en forêt en silence et laisse le printemps passer dans l’attente de la revoir un jour. Puis, en été, il sent sa présence, comme si elle était installée sur son dos alors qu’il est seul. Et en automne, il arrose sa plante, comme si cela allait la faire venir plus vite. Quand enfin la neige arrive en hiver il a la certitude de la retrouver : « Petite Personne, cet hiver…sous quel tas de feuilles seras-tu cachée ? ».
Cette fin ouverte est magnifique et optimiste pour les lecteurs. Elle peut même permettre de revenir au début de l’album pour le relire, comme une histoire en boucle qui ne se termine jamais vraiment.

Notre avis

Si cette histoire est délicate et poétique, c’est aussi grâce aux illustrations qui la portent. Le graphisme et les couleurs pastel utilisées mettent en lumière la présence de la petite personne habillée d’un jaune lumineux, rayonnante, comme sa présence auprès du chat. Les lumières ténues de l’hiver servent bien le cadre intimiste et doux des journées racontées. On y sent une grande sensibilité, une attention mutuelle, une ambiance sobre et mélancolique à la manière de Monet dans son tableau « La pie ». On ressent le bruit de la neige sous les pas, le silence de la forêt, les sourires lors des échanges.
L’approche de la séparation est menée de manière simple et délicate également. Savoir se dire au revoir n’est pas facile mais l’espoir de se retrouver et les souvenirs engrangés rendent ce moment moins douloureux.
« C’est avec beaucoup de délicatesse que cette histoire nous rappelle ainsi que la vie est un éternel équilibre entre les moments de joie et de tristesse, de rencontre et de séparation, et que chaque étape de ce voyage est une occasion de grandir, d’apprendre et d’aimer. » 

Un récit tout en délicatesse et en lumière tamisée, plein de tendresse et d’amitié, qui ne laissera pas les enfants indifférents.

Pour aller plus loin

On peut lire d’autres histoires de petites fées comme dans Peter Pan ou Poucette.
Voilà une version de Peter Pan en conte musical à partir de 5 ans.

Sur une belle histoire d’amitié entre un grand et un petit, lisez L’ours et l’enquiquineuse.