Oscar et Carrosse – La soupe de pâtes

Oscar et Carrosse – La soupe de pâtes
Auteur

Ludovic Lecomte

Illustratrice

Irène Bonacina

Editeur

Ecole des Loisirs – coll Moucheron-2020

Oscar est en os car c’est un squelette. Tous les jours, pour fuir les chiens féroces, il court vers sa roulotte. Mais un matin, un petit chien reste devant sa porte. Chez Oscar, il y a toujours un bol de soupe à partager. Aujourd’hui, c’est une soupe de pâtes alphabet. Le petit chien adore. Il en veut encore ? Oscar a une idée…

Mots-clés : amitié, lecture-écriture

Présentation

Oscar est un brave squelette qui travaille dans un train fantôme, et qui n’aime pas les chiens. Chaque soir, en effet, des chiens convoitent ses précieux os et le poursuivent jusqu’à sa roulotte. Alors il a écrit une pancarte pour leur interdire de s’approcher. Mais un matin, un petit chien qui ne sait pas lire reste devant la porte en bougeant sa queue et refuse de s’éloigner. Bien sûr, Oscar va finir par adopter ce petit chien, le nourrir, mais aussi lui apprendre à lire, grâce à des pâtes alphabet. Cependant, savoir lire n’est pas sans conséquences : Carrosse, le petit chien devenu lecteur, lit la pancarte… et s’en va aussitôt, tout désolé, obligeant Oscar, pour une fois, à courir après un chien. Tout finira bien, évidemment, le message « interdit aux chiens ! » sera effacé, au profit d’un bel éloge de l’amitié, et nos deux amis partageront une excellente soupe de carottes, avec des pâtes alphabet !

Analyse

Ce petit album bien sympathique semble s’adresser tout particulièrement aux jeunes enfants de fin de maternelle ou de début CP, tant d’un point de vue thématique que d’un point de vue plus formel.

Thématiquement, ce récit contant la naissance d’une amitié qui parait au départ bien improbable, parce que marquée d’un interdit (on pense au très bon L’Ours et l’enquiquineuse, de Bonny Becker & Kady MacDonald Denton, aux éditions Casterman Jeunesse), mais qui s’accompagne ici de la conquête en parallèle de la lecture et de l’écriture par l’un des personnages, s’il n’est pas nouveau, est bien traité : le personnage du squelette – dont le travail est de terroriser –, terrorisé lui-même par les canidés, est attachant, et les illustrations d’Irène Bonacina, très expressives, lui confèrent piquant et humour, notamment par l’adjonction de multiples chapeaux tous plus farfelus les uns que les autres ; Carrosse, le petit chien, lorsqu’il quémande un peu d’affection, a de grands yeux tristes, comme il se doit, et l’épisode essentiel de la séparation est traité de façon très cinématographique, avec force rafales de vent et de pluie lorsque Oscar court derrière son ami, rafales qui précèdent le retour du soleil et les retrouvailles finales autour d’un bon bol de soupe chaude. Tout le récit d’ailleurs fonctionne comme un éloge du partage, de la nourriture comme du savoir.

La narration est fluide, mais travaillée : les nombreux connecteurs (de temps, de cause ou d’opposition) et les reprises d’expressions devraient permettre aux jeunes lecteurs de bien comprendre le déroulement des épisodes (« Pourtant, tous les matins, c’est la même histoire… [p.6, les chiens poursuivent Oscar, qui a peur] ; « Depuis, tous les matins, c’est la même histoire… [p.26, Oscar, tout heureux, va vite retrouver son ami] ; « Ce matin, pourtant, ce n’est plus la même histoire… » [p.34, Carrosse est parti] ; « Alors, ce matin, c’est vraiment une autre histoire, c’est le squelette qui court après le chien… » [p.38]), mais aussi d’identifier les changements ou les renversements de perspective (« dans le train fantôme, quand Oscar sort la tête, tout le monde crie » [p.5] ; « Pourtant… le jour se lève et c’est Oscar qui a peur » [p.7]) ; des gradations donnent également un rythme enlevé à certains épisodes et facilitent la perception des émotions ou des sentiments des personnages principaux (« Eh, tu ne sais pas lire ? demande Oscar d’un ton sévère… »« Oh, tu ne sais pas lire ? gronde Oscar… »Eh oh, tu ne sais pas lire ? vocifère Oscar… »). L’attention de l’enfant est ainsi attirée sans cesse par un mélange de « retour du même » et de bifurcations narratives ou linguistiques, qui marquent les mutations que traversent les personnages. Ce balisage du texte pourra, dans le cadre d’un usage scolaire, être relevé, affiché et utilisé pour développer la compréhension et appuyer les essais de rappels de récit.
Plus formellement, c’est-à-dire au niveau de l’écriture elle-même, mais aussi de l’usage des pâtes alphabet dans ce récit, on note une volonté évidente des auteurs d’aider les enfants à prendre conscience du principe alphabétique (la langue écrite transcrit du son, et non du sens) mais également de développer chez eux la conscience phonique (capacité à traiter et manipuler les unités phoniques de la langue orale, et notamment à isoler certains phonèmes), fort heureusement pour les enfants, sans avoir besoin de ce verbiage technique ! Ainsi le texte est-il garni de nombreux jeux rimés (« dans son manteau, sous son chapeau… », « depuis, chaque soir / avant de souper, / comme s’il faisait ses devoirs / Carrosse lit le menu du dîner. », etc.) qui peuvent permettre d’attirer l’attention des enfants sur cet autre genre de « retour du même », qui ne concerne plus les mots entiers ou les expressions, mais les sons, l’aptitude à analyser ou découper la chaîne orale étant une capacité indispensable à un bon apprentissage de la lecture (toutes nos excuses pour ce « cours » sur cet apprentissage !). A ces jeux de rimes s’ajoutent les jeux avec les mots basés sur la commutation et l’inclusion des syllabes : les noms des protagonistes sont évidemment générés par renversement des syllabes ([ɔskar] / karɔs]) ; Oscar est fait à partir d’os, d’un point de vue sémantique comme d’un point de vue phonétique, et le texte, tout en isolant dans un même contexte phrastique os et car, oppose aussi os et or (Oscar est en or, / car il est en os), la commutation s’effectuant cette fois au niveau plus difficile à appréhender des phonèmes. Bien entendu, cette démarche à la fois ludique, car l’auteur parvient à jouer avec la langue sans lourdeur excessive, et « didactique » trouve son aboutissement dans l’introduction par le récit de la notion de lettre (unité de la langue écrite renvoyant peu ou prou aux phonèmes), rendue tout à fait rassurante par l’utilisation des pâtes ! Là encore, on peut observer une logique assez rigoureuse dans l’usage des premiers mots « lus » par nos héros, puisqu’à l’exception du mot chien, tous les mots écrits en vermicelles proposés par le texte lors des premières « leçons de lecture » sont générés à partir des seules lettres d’Oscar et Carrosse (os, car, croc, coasse, carrosse, rose, rosace), à la manière d’un entraînement à la combinatoire.

C’est probablement dans ce dispositif « didactique » englobant que se situe l’originalité principale de ce petit album, dans cet usage astucieux d’une thématique classique (la transmission d’un savoir-faire qui construit également un rapport amical entre le « maître » et l’élève) et d’un emploi particulier de la langue, qui permet à la fois d’insister sur la matérialité du langage et de mettre en scène des aptitudes nécessaires à un apprentissage apaisé de la lecture. On pourra d’ailleurs observer l’importance rassurante des repas partagés (18 pages sur 47 évoquent la cuisine, la nourriture ou les repas), comme si Oscar dessinait le portrait d’un adulte capable d’enseigner un savoir-faire complexe sans douleur, par la manipulation et le jeu, et surtout par une innutrition affectueuse.

Mêlant humour, tendresse et pédagogie, ce petit livre, dont la lecture à voix haute par l’adulte, qui paraît aisée, est recommandée (afin notamment de faire entendre les jeux de langage), est à la fois rassurant et dynamique : ses héros traversent de petites épreuves sans heurts et apprennent à se connaître et à s’aimer ; ses images symboliques (les repas) renvoient à des situations connues et apaisantes ; ses répétitions tranquillisent, assurent une bonne compréhension des actions et des états mentaux des personnages, donnent un rythme au récit mais rendent aussi les retournements, les commutations et les bifurcations d’autant plus saillantes et lisibles ; ses mises en valeur de la matérialité du langage oral et écrit, astucieusement mêlées au récit, peuvent largement aider les enfants à mieux comprendre ce qui leur sera demandé en CP. Enfin, ce qui ne gâte rien, l’ensemble reste léger et ludique, aidé en cela par des illustrations spirituelles aux belles transparences. Vivement recommandé dès la GS… et aux enseignant des cycles 1 et 2. Mais pensez bien à acheter plusieurs paquets de pâtes alphabétiques !

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Mise à jour en octobre 2021