Tous pour une

Tous pour une
Auteure

Nancy Guilbert

Illustratrice

Léonie Koelsch

Editeur

Kilowatt-Les Kapoches-2022

Imany, son truc c’est la break dance. Mais à l’école, le problème, c’est que la cour est trop petite et Alessio et sa bande prennent toute la place pour jouer au foot. Un jour, alors qu’elle traverse la cour, elle interrompt sans le vouloir une partie de foot, ce qui met les garçons dans une colère noire. C’est la goutte d’eau… Imany, élève de CM2 au caractère bien trempé, en a marre et avec ses deux meilleurs copains Nell et Aslan, elle décide de changer les choses. La révolution est en marche ! Elle va confronter les amateurs de foot et leur expliquer qu’elle aussi a besoin d’avoir de la place pour danser à la récréation. Elle propose même à Alessio une battle. À force d’échanges, Imany, Alessio et leurs camarades vont finir par opter pour la solution « chacun son tour » afin que tous puissent profiter de leur cour.

Mots-clés : école-collège, amitié, fille-garçon

Présentation

Présentation des sites de vente : Ce nouveau Kapoche aborde une thématique d’actualité, bien connue des enfants : les problèmes de cour d’école. En effet beaucoup d’enfants sont confrontés à des cours de récréation sexistes où les filles ont du mal à trouver leur place et où les croyances telles que « seuls les garçons peuvent jouer au foot », « c’est normal qu’ils prennent toute la place » sont courantes. Dans ce Kapoche, Nancy Guilbert tente de replacer les enfants dans leur capacité d’agir de manière collective. Un roman choral qui adopte le point de vue de chacun des personnages principaux. 4 chapitres portent le nom d’un des enfants (Imany, Aslan, Nell, Alessio). Quant aux illustrations qui ponctuent la lecture de ce petit roman, elles sont modernes, graphiques et colorées. 

Les résumés des sites de vente de ce nouveau roman sont très explicites et il ne semble pas nécessaire d’approfondir le déroulé de l’histoire.
Ajoutons seulement que le récit repose sur une problématique simple : comment partager des espaces de vie collectifs dans un esprit de justice sociale. Il s’appuie sur des principes républicains bien connus, la liberté et l’égalité, et il met en avant des valeurs fondamentales telles que l’amitié, le respect, la tolérance, le partage.

Facile d’approche, bien ancré dans le quotidien des écoliers, ce petit roman parlera à tous les lecteurs, en lecture libre ou en lecture accompagnée en classe.

Notre analyse

La guerre de territoire

L’utilisation de la cour de récréation peut devenir une guerre de territoire si on n’y prend garde.

Rien n’est dit sur l’historique de l’organisation des récréations dans l’école d’Imany et de ses camarades. Un terrain ou plusieurs terrains de sport sont-ils tracés ? D’autres ballons sont-ils sortis? Qui a donné l’autorisation de sortir un ballon de foot ? Rien n’est dit, non plus, sur les règles à respecter pendant la récréation. Y a-t-il des interdits ? Y a-t-il des espaces réservés ?…

La situation décrite semble indiquer que la cour est occupée de fait par les garçons joueurs de foot sans aucun droit spécifique. Ils se sont installés et s’imposent. C’est la loi du plus fort. Celles et ceux qui ne jouent pas doivent s’adapter aux espaces restants pour pratiquer leurs activités. Très clairement cette situation est totalement injuste.

Mais que faire ? La plupart des élèves subissent par crainte, par habitude ou juste pour avoir la paix. Il y a une sorte de fatalité dans la situation comme l’exprime la mère de Nell (« Laisse tomber, ça ne changera jamais »). Ce qui est certain est que l’action d’Imany est plébiscitée par l’ensemble des élèves lors de sa confrontation directe avec Alessio.

La question centrale porte sur les droits et les devoirs de chacun sur les temps de récréation et dans l’espace de la cour. Cette question ne semble pas avoir été soulevée dans le règlement de l’école. Il semble également que les enseignants n’aient pas évoqué le problème avec leurs élèves. Sans nul doute la lecture de ce récit ouvrira sur des échanges indispensables à ce propos.

Des personnages proches du quotidien des lecteurs

Les quatre élèves narrateurs sont différents tant dans leurs idées que dans leurs actions. Cela donne la possibilité de s’identifier plutôt à l’un ou plutôt à l’autre.

Chaque personnage est intéressant, même si certains attirent plus de sympathie que d’autres. Imany est la justicière, celle qui affirme ses idées et n’hésite pas à organiser une révolte. Elle est convaincue du bien-fondé de ses réactions pour combattre l’injustice. Elle n’hésite pas à s’exposer et elle prend des risques, seule, sans en parler aux autres. Aslan est timoré, craintif, il a peur pour lui et pour ses amis. C’est un garçon doux, gentil, fidèle en amitié, il sait danser et il n’hésite pas à partager ses connaissances. Nell est assez indépendante. Elle aussi est fidèle en amitié, elle n’hésite pas à seconder Imany quand cela lui semble nécessaire. Alessio pourrait paraître antipathique car c’est lui qui dirige la bande de footballeurs. En même temps il n’est pas si méchant que cela, se laisse entraîner par les danseurs et revient assez vite sur ses préjugés à la fin du récit.

L’écriture en point de vue offre la possibilité de bien connaître les protagonistes et d’éprouver de l’empathie pour chacun d’eux. Le lecteur peut facilement ressentir les émotions des uns et des autres tout au long du conflit.

L’effet bande

Chaque personnage gère la situation entouré de sa bande d’amis. Outre leur perception personnelle les narrateurs doivent affronter le regard des autres et ce n’est pas si simple, notamment pour Alessio. En effet son rôle de chef de bande l’oblige à prouver sans cesse qu’il a le dessus. Alors il se montre offensif, (espace) tente une agression physique heureusement déjouée par Imany (vraiment trop forte !), menace Nell (un pouce au travers de la gorge). Alessio craint de perdre ses amis s’il ne domine pas, c’est d’ailleurs ce qui arrive avec Matéo.
La situation est plus simple pour Imany. Elle n’a rien à prouver, elle cherche juste à avoir de la place pour danser et à réparer ce qu’elle considère comme une injustice. Même si elle agit seule Imany peut compter sur le soutien inconditionnel d’Aslan et Nell. Ces deux amis ont des personnalités très différentes. Ils n’aiment pas forcément les mêmes choses, ne revendiquent aucun idéal commun mais ils apprécient Imany pour sa droiture et son côté frondeur.

Deux groupes d’amis, deux fonctionnements différents. Chez les footballeurs la bande est unie autour d’un chef qui doit défendre la position du clan, du côté d’Imany c’est la solidarité qui prime. C’est un peu caricatural mais c’est facilement perceptible. Le changement de regard rapide d’Alessio sur la break dance et sur Imany permet de résoudre le problème en peu de temps. La solution arrive certainement un peu facilement mais cela permet une sortie honorable pour tout le monde. Le « chacun son tour » ouvre aussi sur toutes sortes d’arrangements puisque certains élèves n’aiment ni le foot ni la break dance.

Break dance / Football

Le roman joue sur de nombreuses oppositions duelles : dominants/dominés, gentils/méchants, ouverts/fermés, petits/grands… L’auteure appuie évidemment sur le problème de sexisme en positionnant Aslan comme bon danseur et Nell comme joueuse de foot en club refusé par la bande des joueurs garçons. Son choix d’opposer la danse, notamment la break dance et le football apporte une originalité bienvenue dans le roman.

Tout d’abord la break dance est une activité peu connue. C’est une danse urbaine, issue du hip-hop né dans les ghettos noirs et latino new-yorkais dans les années 1960. Sa pratique nécessite la connaissance de différents codes : on danse en cercle, les danseurs s’expriment chacun leur tour, il faut répondre aux pulsions de la musique, on commence debout avant d’aller vers le sol…. Le site Break Dance Crew  précise qu’elle est basée sur deux principes essentiels, le respect et l’originalité.

C’est donc essentiellement une envie de partage et d’amusement qui guide les danseurs. Pas d’esprit de compétition. Cela convient tout à fait à la bande d’Imany même si Nell n’aime pas forcément danser. Et cela peut amener le lecteur à être curieux sur ce sport, car il s’agit bien d’un sport. En effet, la break dance deviendra en 2024 une discipline olympique !

Prolongements

Deux documentaires tout à fait intéressants sur l’histoire de la street dance sont disponibles sur arte.tv. Les jeunes lecteurs peuvent être intéressés par quelques extraits.

Nous connaissions déjà la collection Les Kapoches chez Kilowatt que nous apprécions avec trois précédents coups de cœur, Les mots de Mo’, La rumeur et Frère de passage.

Frère de passage - broché - Arnaud Tiercelin, Aude Brisson - Achat Livre | fnac La rumeur - broché - Véronique Cauchy, Aude Brisson - Achat Livre | fnac Les Mots de Mo' - broché - Anne Loyer, Arnaud Nebbache - Achat Livre | fnac

 

Mise en ligne, mai 2022