Un humain pour Moustache

Un humain pour Moustache
Auteur-Illustrateur

Gabriel Evans

Editeur

NordSud-2022

Moustache veut un humain. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère, il faut bien choisir son humain. Gros, petit, souriant, bruyant… il y a l’embarras du choix. Il n’y a plus qu’à les essayer un à un. Sauf qu’aucun ne lui convient, à part peut-être cette petite fille… Mais en fait, qu’attend-il exactement d’un humain ?

Mots-clés : amitié, lien homme-animal, point de vue

Présentation

Moustache est un chien qui cherche son humain et ne veut pas se tromper dans son choix.

Il les observe donc avant de les essayer. Un grand humain veut le faire travailler, une petite dame court trop vite, une autre est trop bruyante, ou trop occupée….

Il jette finalement son dévolu sur une fillette qui semble ne pas vouloir de lui mais à laquelle il s’attache.
Cette inversion des rôles dans l’adoption d’un animal de compagnie amène à réfléchir sur les attentes de chacun et le partage nécessaire.

Notre avis

Le point de vue d’un animal dans une aventure avec un humain n’est pas une nouveauté. On connaît déjà les différents épisodes du chat assassin de Anne Fine ou, plus anciens, ceux des contes du chat perché de Marcel Aymé. Ici, l’auteur a choisi de faire penser le chien et de faire ressentir ses émotions et ses réactions autant par l’image que par le texte.

Moustache apparaît au début comme une espèce de « sans-domicile » qui est représenté comme abandonné, seul dans son coin. Sa recherche d’un humain peut donc se comprendre comme une quête à la fois d’une compagnie mais également de confort et de sécurité. Néanmoins, il est conscient que cette décision «n’est pas à prendre à la légère » car c’est « une GROSSE responsabilité que d’avoir un humain à soi. »

Moustache va donc d’abord se faire observateur de cette race mal connue des humains et dresser un panorama de la variété qu’il rencontre : des êtres grands, petits, pressés tranquilles, bruyants, silencieux, souriants, grognons…le tout appuyé par des traits comme le téléphone portable à la main, le casque audio sur les oreilles, des solitaires tristes, des groupes ou des familles nombreuses…, de quoi ne pas savoir vers qui se tourner pour choisir.

Il décide alors d’essayer d’entrer en contact avec eux mais il essuie de nombreuses déconvenues : l’un veut le faire travailler, l’autre l’expulse ou le sème. Rien ne le satisfait. C’est alors qu’il aperçoit une petite fille sur laquelle il porte son choix.

Mais celle-ci ne semble pas dans la même attente que lui. Elle le trouve envahissant, encombrant et incompréhensible. Là se trouve le charme de l’interprétation des attitudes et de la vie de cette humaine qui sont lues à la lumière de ses références de chien. On y rit, sourit, s’interroge et finalement comprend que Moustache finisse par partir pour réfléchir au calme sur ses attentes et les apports imaginés de cette relation. Cette disparition créera un manque chez l’enfant qui s’était habituée à lui et qui le cherchera et s’inquiètera pour lui. Et si c’était cela qu’il cherchait ? Quelqu’un qui a besoin de lui ?

Voilà une façon de faire réfléchir les enfants sur la responsabilité de l’adoption d’un animal de compagnie et sur le bien-être matériel et affectif qu’on se doit de lui donner. Mais aussi sur ce qui crée une amitié qui n’est jamais magique mais se construit peu à peu. La relation entre eux deux est compliquée mais jolie.

L’auteur-illustrateur a donné à Moustache une bonne tête sympathique et a situé ses dessins à hauteur de chien. C’est aussi un autre point de vue qui est proposé aux enfants en représentant le niveau de la rue et des mouvements des humains : pieds des passants, pavés de rue. La fillette a contrario apparaît comme agressive, contrariée, revendicative, cherchant à préserver son domaine et ses décisions. Elle est représentée vive, criant, s’agitant, protestant, ne voulant pas partager son espace que le chien essaie d’intégrer peu à peu. Pour se faire accepter il ne sait s’il doit l’imiter ou lui obéir, prendre des initiatives ou rester en retrait. Cela est très bien exprimé dans ces illustrations plus petites, successives, en décalé de mise en page type vignettes de BD qui permettent de comparer et d’apprécier les différents moments de cet apprivoisement mutuel. La fillette est dessinée dans tous ses états, pas seulement gentillette mais réelle et vraie. L’illustrateur joue aussi sur des différences entre les deux amis : le chien est énorme, la fillette petite et mince. Tout les oppose et pourtant ils vont s’unir.

L’ensemble est tendre et bien croqué, animé et doux en couleurs pastel, à l’aquarelle et au crayon, comme la relation qui s’installe peu à peu entre eux. Les situations choisies s’opposent et semblent parfois absurdes mais sont montrées comme des éléments qui font avancer la relation tant les expressivités des personnages aident à comprendre l’histoire. L’image finale où la fillette est comme protégée par le chien, assis en rond autour d’elle, apaisé et yeux fermés alors qu’elle s’adosse à lui comme dans un fauteuil confortable donne une fin qui satisfera tous les lecteurs.

C’est un joli album à la portée des jeunes enfants, tout en délicatesse, autant dans son message que dans son univers coloré.

Pour aller plus loin

L’auteur-illustrateur, Gabriel Evans, a donné une interview au magazine « Je dirai même plus » dans laquelle il explique comment il procède pour créer ses histoires et ses dessins.

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Mise en ligne, mai 2022