Un trésor lourd à porter
Auteur - Illustrateur | Maxime Derouen |
---|---|
Editeur | Grasset Jeunesse – 2021 |
Un dragon ! Eh oui. Je suis un dragon.
Mais un dragon pas tout à fait comme les autres…
Ma famille m’a toujours vanté les bienfaits des trésors.
Mais moi, je n’ai jamais compris pourquoi…
Dormir sur un tas d’or…Pouah !
J’ai fini par décider de faire une sieste de quelques années en espérant qu’à mon réveil, je puisse trouver un nouveau sens à ma vie.
C’est la raison pour laquelle je n’ai ni vu ni entendu la créature entrer. Et toute ma vie a basculé.
Présentation de l’éditeur
A travers l’histoire d’un dragon pas tout à fait ordinaire et d’une princesse en cavale, ce conte moderne et initiatique interroge, non sans humour, la notion de richesse. Ce nouveau titre de la collection du Yark et de La Boulangerie des dimanches est aussi lumineux que l’amour !
Notre avis
Avec ce dernier livre de Maxime Derouen, nous voilà plongés dans l’univers des contes de chevalerie, avec princesses et dragons, ou dans Le seigneur des anneaux, un univers bien connu des enfants par voie de jeux vidéo ou d’albums.
La différence ici, c’est que nous découvrons le point de vue du dragon. C’est lui le narrateur et c’est autour de lui que vont se tresser les personnages et les événements de cette aventure.
Prenant le contre-pied de la figure traditionnelle du méchant dragon qui brûle tout sur son passage, notre dragon est un gentil personnage, un peu rebelle, qui cherche à échapper au rôle et au destin que ses parents lui ont préparés. Lui, il cherche un sens à sa vie et devenir un simple gardien de trésor ne lui convient pas.
S’il accepte de s’installer dans son antre rutilant situé dans un volcan, il ne veut pas gaspiller son énergie de jeune à rester avachi sur son tas de richesses en s’ennuyant mortellement. Il cherche donc à créer des événements pour faire des rencontres et donner de l’animation à sa vie. Après avoir tenté sans succès d’attirer des chevaliers vers sa demeure pour pouvoir les combattre, il se trouve si déprimé qu’il décide de laisser passer le temps en dormant. Et c’est là que la surprise arrive en la personne d’une fillette qui s’est enfuie de son château où elle était retenue prisonnière.
Les belles pages arrivent alors : celles d’une amitié touchante et sincère qui va permettre à chacun des personnages de voir le monde autrement, de passer du bon temps ensemble et de découvrir des valeurs différentes de celles qu’ils avaient connues séparément.
Pour la fillette-princesse, le dragon se sent prêt à attaquer des méchants, à se départir de son or, à abandonner sa caverne et à partir à l’aventure. La fillette, en mal d’amour et de liberté, va s’associer à lui pour se battre ensemble et trouver leur place dans ce monde qui les a rejetés . Les péripéties vont se succéder. On y retrouve des éléments bien connus des contes comme la princesse, la marâtre, le chevalier et le dragon mais avec une histoire très différente de celles que l’on connaît déjà. Les lecteurs ne s’ennuieront pas dans les scènes d’attaque, de feux de défenses, d’envol de dragons ou d’utilisation de pouvoirs
Et quand tout se sera écroulé, on verra ressortir les vraies valeurs qui donnent un sens à la vie : l’amitié, l’amour, la confiance et le libre arbitre.
On trouve dans ce texte des références à des récits de chevalerie et la présence du personnage de Siegfried, issu de la mythologie nordique. Celui-ci est un prince guerrier, auteur de plusieurs exploits comme le meurtre d’un dragon. Cette légende sera utilisée par Wagner dans sa tétralogie « L’anneau de Nibelung » qui est un cycle de quatre opéras inspiré par la mythologie germanique.
On pense aussi au roi Midas, qui avait demandé comme don le pouvoir de transformer en or tout ce qu’il touchait. Mais quand il s’aperçut que même ses aliments se changeaient en ce métal, il supplia les dieux de reprendre ce don fatal.
Ce récit veut nous montrer que la richesse ne vaut pas grand-chose si on n’en fait rien et qu’elle ne rend pas forcément heureux. Mais que la vraie valeur à cultiver est celle de l’amitié ou de l’amour qui se partagent et donnent du bonheur.
Le texte, dense et long, concernera les lecteurs qui cherchent l’aventure et l’univers de la « fantasy ». Il est découpé en dix chapitres, ce qui le rend accessible en plusieurs fois. Il peut aussi facilement être lu à voix haute pour des lecteurs moins aguerris qui aiment néanmoins cette ambiance.
Le niveau de vocabulaire est élevé avec des mots sûrement inconnus des enfants comme outrecuidance / mercenaire / abject / pourfendeuse / galvaniser les troupes…mais qui ne gênent pas la compréhension globale du récit.
Certains jeux de mots ne seront pas tous décodés par les enfants mais, s’ils le sont, les amuseront, comme les expressions : « je mets ma griffe à couper », « les traditions ont les écailles dures », « le feu n’en vaut pas la chandelle »….La tonalité du conte est humoristique dans la façon de le dérouler et par l’ironie qui est portée grâce à un regard différent des histoires connues dans ce domaine.
Les illustrations n’ont pas fait l’unanimité du comité de lecture. Elles accompagnent bien le texte et allègent sa lecture. Mais leurs couleurs à l’encre de chine noire avec certaines zones passées en jaune d’or apparaissent parfois brouillonnes et peu lisibles. Elles prennent beaucoup de place en regard du texte et cela donne l’aspect d’un album illustré agréable. Les personnages sont bien esquissés et amèneront sûrement les remarques des enfants. Toutes les tailles de dessins sont utilisées, de la vignette de début de chapitre aux expressions ou situations de bas de page en passant par des pleines pages voire une double page centrale qui sautent aux yeux. Par deux fois, des pages sous forme de cases de BD donnent des respirations comme le « Manuel pour les enfants dragons » ou les événements des jours heureux passés avec Margot. Le papier utilisé est d’un joli grège qui donne une teinte un peu vieillotte seyant bien à l’histoire.
C’est un roman sur le poids des traditions, l’amitié et la convoitise. Il montre qu’en tant que sujet, on peut échapper à son destin et devenir « enfin libre de prendre [s]es propres décisions ».
Il trouvera son public chez les enfants qui aiment l’action , l’amitié et l’inattendu.
Pour aller plus loin
Les sagas nordiques de Alex Frith et Louie Stowelle / Editions Usbome Publischnig en 2014
Pour retrouver le mythe de Siegfried et autres héros vikings
La grotte du dragon de Evelyne Brisou-Pellen et Antoine Guillopé aux Editions Rageot en 2012
La dragonne de minuit de Agnès Laroche illustré par Vincent Wagner aux éditions Rageot en 2011
Bao et le dragon de jade de Pascal Vatinel aux éditions Actes Sud Junior en 2010
Mise en ligne – Janvier 2022