Toujours potes

Toujours potes
Auteur

Smriti Halls

Traductrice

Emmanuelle Beulque

Illustrateur

Steeve Small

Editeur

Sarbacane – 2023

Catégories : , Étiquettes : ,

Ecureuil est très excité : il a décidé d’organiser une super fête pour tous leurs amis. Ours, lui se fait tirer l’oreille : il doute et s’inquiète.
Mais pour l’un comme pour l’autre, une chose est sûre : pas de fête sans son super pote !

Mots clés : amitié, rejet

Présentation générale

Deux copains, deux natures, deux caractères… Chacun aborde le projet d’organiser une fête différemment. Chacun vit la fête à sa manière. L’enthousiasme de l’un, la lassitude de l’autre. Puis la fatigue de l’un et l’euphorie de l’autre. Des sentiments qui s’entremêlent entre le plaisir de s’amuser avec un grand groupe d’amis et l’impression d’être seul parmi les autres.

L’organisation et la gestion d’une grande fête n’est pas toujours simple et n’apporte pas obligatoirement la satisfaction attendue. Mais dans Toujours potes l’important n’est pas la fête en tant que telle. Il s’agit essentiellement de ne perdre de vue qui sont les vrais amis, ceux qu’on appelle des « potes ». De toute évidence Ours et Ecureuil s’entendent bien, se comprennent, se complètent, s’entraident, mais surtout ils n’oublient jamais leur amitié, bien plus importante que les amusements d’une fête.

Des personnages mignons, amusants, et très sympathiques. Du festif parfois débridé mais aussi de l’intime et de la sensibilité. Un album drôle et dynamique.

La maison d’édition présente une présentation spécifique de l’album

Nos commentaires

L’album se présente comme une espèce de cartoon sur pages blanches. Une fois l’idée d’organiser une fête adoptée, Ours et Ecureuil s’affairent à l’installation de la salle, à la cuisine, à la sono. Démultipliés sur chaque page ils sont toujours en mouvement, faisant preuve d’un dynamisme positif et joyeux. Mais l’ours se fatigue. La mine triste, il se coiffe de son bonnet de nuit pour aller se coucher au grand dam de son ami. La soirée commence, Ours se laisse néanmoins convaincre par son amie la poule de participer aux festivités. Pris au jeu, il danse, s’amuse, profite. L’ambiance est rock and roll ! Tout le monde bouge, sourit. Mais Ours s’arrête tout à coup, il a pris conscience de l’absence d’Ecureuil, son pote. Les pages s’habillent alors d’un fond noir, Ours et Ecureuil apparaissent en plans rapprochés. Ce n’est plus le mouvement qui est privilégié mais les regards et les postures. Le lecteur partage l’intimité des personnages, leurs doutes, leurs angoisses, leur besoin d’être ensemble. Les trognes des deux animaux sont terriblement touchantes. Leurs museaux se font écho, leurs rondeurs les rendent doux, leurs yeux expriment toutes les émotions possibles. Ce sont deux êtres sensibles, tellement différents mais tellement complices et complémentaires ! Le lecteur s’amusera sans aucun doute à découvrir les illustrations, même sans l’apport du texte. Il faut dire que Steve Small est un artiste expérimenté dans le domaine de l’image. Ses dessins donnent l’impression d’être animés. Il y a du rythme, des gags, des détails… L’ensemble est dynamique et très plaisant à regarder.

Le texte n’est constitué que de dialogues. La typographie maigre représente les paroles de l’écureuil, en gras le discours de l’ours. Les perceptions et les intentions des personnages ne sont pas toujours explicites surtout au début de l’album. La différence de point de vue sur la notion de « fête » par exemple est juste suggérée. Ecureuil propose l’organisation d’une « vraie » fête. Ours suggère d’inviter « un ou deux amis, peut-être ». Ecureuil, après réflexion, répond « Mais attends, pourquoi compter ? ». Les deux personnages ne s’opposent pas, ils font juste état de leur pensée. L’ours, un peu sceptique, continue de douter en affirmant « Ouh là, Ecureuil, ça va un peu loin, là. […] Ce n’est pas une si bonne idée, je crois » pendant que l’écureuil, empressé, va de l’avant, sans se poser de question. Aucune confrontation directe, aucun reproche. De plus les deux personnages agissent de concert, ils préparent ensemble la soirée. Un lecteur peu avisé pourrait croire qu’il n’existe aucune divergence de point de vue. Or ce n’est pas le cas. Appréhender le caractère bourru de l’ours, gentil mais plutôt tranquille, et le caractère vif de l’écureuil, toujours en mouvement, est nécessaire pour intégrer pleinement le retournement de situation qui suit. Lors de la fête Ours s’amuse « J’ai la patate ! Je m’éclate ! » et Ecureuil ne dit rien, il fait le service, l’air un peu triste. En fait Ours qui appréhendait le bruit et l’agitation, s’est débridé en étant intégré dans un groupe d’amis. A contrario Ecureuil qui anticipait rires et réjouissances, s’est retrouvé seul et s’est senti inexistant. Un lecteur sensibilisé aux émotions des deux personnages sera davantage en capacité d’éprouver de l’empathie pour le plantigrade plutôt casanier d’une part et pour le petit rongeur beaucoup plus impulsif d’autre part.

Quand les deux personnages se retrouvent seul à seul, Ecureuil exprime clairement son angoisse d’être délaissé. Ours, lui, rassure son ami à l’aide de comparaisons originales (« On est comme le ciné et le pop-corn, les cymbales et les trompettes, le feu d’artifice qui fuse, et le beurre et la gaufrette. » Il affirme aussi la pérennité de leur amitié avec une certaine gourmandise (« On va si bien ensemble, comme la crème et le gâteau… ») En fait, l’histoire soulève la différence qui existe entre l’amitié duelle et la camaraderie en général. Même si tous les invités se retrouvent sur la dernière double page, il existe une différence de rang dans les relations qui les unissent. Ecureuil, couronné par Ours, trône sur la tête de son ami. Ils apportent ensemble un gâteau couvert de bougies. Ce sont des amis pour la vie. La poule, les castors et les souris qui dansaient avec Ours les accompagnent, ce sont certainement de très bons amis. Les autres convives sont assis, des bons amis sans aucun doute. La fête, organisée au départ sans occasion spécifique, devient alors « la fête des super potes » à savoir la fête d’Ours et d’Ecureuil. Les jeunes lecteurs connaissent l’importance de l’amitié et de la fidélité. Ils seront sensibles à cette gradation des liens qui unissent les uns aux autres.

L’humour et l’amusement sont une constante de l’album, même dans les moments les plus délicats. Texte et images résonnent de concert pour amuser le lecteur. Ecureuil, par exemple, clôt la double page de ses préparatifs grandement énergiques par un « A l’aise Blaise ! Cool man ! » qui joue autant sur l’interpellation au lecteur que sur le décalage langagier. L’arrêt sur image montrant Ours lâchant son partenaire castor en pleine passe de rock and roll disant juste « On a un problème » marque une rupture tragicomique dans le récit. Certes Ours marque son inquiétude de ne plus voir son ami, mais la situation est tellement drôle qu’elle prête autant à rire qu’à s’alarmer. De plus, des gags illustratifs et textuels émaillent l’album pour le plus grand plaisir du lecteur. Comment ne pas sourire en voyant Ours écraser le pied d’Ecureuil, situé derrière lui, affirme qu’il sera toujours derrière lui. Comment ne pas s’amuser à la chute des deux personnages quand ils évoquent leur volonté de ne jamais se lâcher, « dans les hauts comme dans les bas ». L’expressivité du texte est relevée par les illustrations qui elles-mêmes sont sublimées par le texte. L’ensemble est très réussi.

Beaucoup d’expressivité dans le texte et dans les images.
Lire à voix haute, théâtraliser les silences, pointer du doigt les personnages au fil de la lecture, jouer les personnages…. Des moments de partage délicieux en perspective !
Toujours potes, un album à savourer en toute liberté !

Pour prolonger la lecture

Toujours potes est le 2ème album d’une série de trois histoires. La série des albums est disponible sur le site de l’éditeur Sarbacane.

Nous connaissons d’autres ours et d’autres écureuils de fiction qui possèdent plus ou moins les mêmes caractères que les deux héros super potes. L’écureuil d’Olivier Tallec, par exemple, est beaucoup plus égocentré. Par contre l’ours de Bonny Becker ou l’ours de Lionel Tarchala restent placides, bourrus et également gentils et attachants.
(avec les liens vers les bouquins du site)