Le top du top
Auteure-Illustratrice | Béatrice Allemagna |
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Editeur | Ecole des loisirs – 2023 |
Pascaline et sa maman vont faire des courses au supermarché du grand chêne. Sucettes à la limace, grillons-chips, vernis fluo pour les ailes, Pascaline veut tout, mais Maman dit non : trop sucré, trop gras, trop cher. À force de baver d’envie, la pipistrelle devient gluante et visqueuse et un merle la prend pour une proie… Au cours de son aventure, elle va découvrir que le top du top… c’est relatif.
Mots-clés : émotions, famille, métamorphose, relations adultes-enfants
Présentation générale
Aujourd’hui, c’est le jour des courses…Pascaline, la petite chauve-souris, accompagne sa maman au supermarché de la forêt. Et là, Pascaline veut mettre dans le caddie tout ce qui lui fait envie, friandises, jouets, produits et accessoires de beauté…Tout ce qui pour elle est le top du top ! Elle supplie sa mère à tous les rayons ; celle-ci finit par en être très agacée mais elle refuse de céder et impose fermement ses arguments à sa fille : Non, c’est trop sucré, c’est trop gras, c’est trop cher ! A force de « baver » d’envie et de « ramper », voilà que Pascaline la chauve-souris se transforme…en limace, à la stupéfaction générale. La maman, paniquée, essaie de la ramasser mais ses mains n’ont aucune prise. Une mésange qui faisait ses courses dans le même magasin la trouve appétissante et s’envole en l’embarquant. Pascaline, qui n’est pas du genre à se laisser faire, réussit à se libérer. Au sol, elle finit même par prendre goût aux super glissades que son corps de limace lui permet de faire. Elle tente de copiner avec une troupe d’escargots affairés qui ne lui prêtent pas attention. Pour les suivre et se faire adopter, elle se déguise en escargot, en utilisant une coquille vide : elle est curieuse de savoir où ils vont et ce qui les fait tant « baver » d’excitation… Elle va être très déçue de constater que le top du top pour ces escargots, ce n’est qu’une vulgaire feuille de salade ! Pascaline se retrouve seule sous la neige et commence à regretter la présence de ses parents…C’est alors que sa maman qui la cherchait partout apparait devant elle. Pascaline en est si heureuse qu’elle retrouve instantanément son corps de chauve-souris. Ensemble elles prennent le chemin de la maison. Pascaline dans les bras de sa mère se dit que le vrai top du top c’est quand même ce gros câlin qu’elle se font…
Nos commentaires
On ne présente plus Beatrice Alemagna qui a obtenu le prix de La Grande Ourse au salon du livre et de la presse jeunesse à Montreuil en 2023…Plusieurs de ses albums ont été nos coups de cœur, vous les retrouverez sur notre site : Les choses qui s’en vont, Un grand jour de rien, Le merveilleux dodu-velu-petit, et bien sûr, Même pas en rêve, première apparition de Pascaline, l’espiègle, la mignonne petite chauve-souris habillée de rose fluo…
Nous la retrouvons donc avec plaisir aujourd’hui dans Le top du top !
Dans le premier album, Pascaline s’opposait radicalement au fait de devoir faire sa première rentrée en maternelle. Ici, elle est au contraire tout à fait volontaire pour accompagner sa mère au supermarché ! Tous les enfants, et tous les parents, se reconnaitront, pour l’avoir déjà vécu, dans ce conflit familial opposant les envies suppliantes des uns et les refus argumentés (ou pas…) des autres.
Pascaline entre peu à peu en conflit avec sa mère dans le magasin, la tension (réjouissante…) monte jusqu’à la métaphore très parlante de sa transformation en limace qui « bave d’envie » dans tous les sens du terme…Pascaline fait le bébé dès son arrivée au supermarché pour monter dans le caddie même si elle est trop grande, début de la régression…Elle finit, à force de supplications qui montent en puissance, par devenir quelque chose d’informe. A force de baver et de ramper, elle se transforme en une espèce de truc gluant et mou qu’on ne comprend même plus quand elle parle : Ohblslhsjhjfsshhilteblaaait !
Au passage, notons le réel plaisir qu’il y aura à lire cet album à haute voix en jouant sur le crescendo des caprices de Pascaline, S’il teeeeplaîîîîîîît !!, et sur le ton de plus en plus agacé de la maman qui finit par ne plus négocier : Non ! Non ! Non ! Les différentes tailles de polices utilisées dans le texte accompagneront avec bonheur la variation des voix et des tonalités.
Ce livre parle donc de frustrations plus que difficiles à dépasser. Ce qui, nous le savons, fait partie de l’éducation…Il nous parle aussi d’une société de consommation qui, dans les grandes surfaces cible entre autres les enfants, en exposant à leur hauteur une foule de friandises et de gadgets parfaitement superflus. Au « supermarché de la forêt » cela donne avec humour : des sucettes à la limace (tiens, tiens…), des grillons chips, du vernis fluo pour les ailes, des pantoufles libellules, des écorces d’érable confites, des mini hérissons en peluche ou des barrettes trèfles…
Pascaline est opiniâtre, on le savait déjà depuis Même pas en rêve mais là, son entêtement va, pour un moment, se retourner contre elle. Limace elle devient, marchandise elle sera pour la mésange qui a faim. Cependant, toujours pleine de ressources, elle s’adapte très vite à la nouvelle situation, y trouve même un certain plaisir, jusqu’à ce que sa rencontre avec la troupe d’escargots la mette face à cette question cruciale : Qu’est-ce en fait que le top du top ? Est-ce la même chose pour tout le monde ? Ou bien est-ce si relatif que la réponse varie énormément selon le moment, la personne et surtout le point de vue qu’on adopte ?
C’est ce que réalise Pascaline quand elle comprend que le top du top pour les escargots n’est qu’une banale feuille de salade…Et qu’au bout d’un moment le top du top pour elle-même est peut-être bien le câlin de sa maman quand celle-ci la retrouve ! La maman le savait : Ma fille n’est pas une limace ! Et Pascaline redevient alors raisonnablement la petite fille chauve-souris qu’elle était avant ses caprices dans le magasin. Ce qui pourrait constituer une happy end peut-être un peu trop moralisatrice ? Mais ce serait sans compter avec la finesse de Beatrice Alemagna qui termine l’album sur un clin d’œil inattendu et plein d’humour : Mais demain tu m’achètes les pantoufles-libellules hein ?,écrit en tout-petit…pour que la demande se fasse toute mignonne…au cas où…on ne sait jamais ! Pascaline ne désarme pas tout à fait, elle a senti que l’émotion et la peur avaient affaibli les résolutions de sa mère et que peut-être elle pouvait en profiter…Pascaline est une petite coquine qui ne désespère pas d’obtenir ce qu’elle désire malgré toutes les aventures qu’elle vient de vivre. Maman a eu très peur, peut-être alors finira-t-elle par dire oui…
On sourit avec tendresse en découvrant la dernière page…
Tout le long de l’album on apprécie l’humour de l’autrice ainsi que la délicatesse, la justesse de son regard sur l’enfance, sur les émotions de Pascaline et de sa mère. La petite chauve-souris est attachante malgré ses caprices. Ses tentatives de négociations feront forcément sourire les jeunes lecteurs coutumiers de ces rapports de force avec les adultes. Les moments de tension seront vite oubliés quand la fille et la maman retrouveront leur complicité à la fin du livre.
Beatrice Alemagna illustre elle-même son album dans une belle harmonie de bruns, de verts et de…rose fluo ! On appréciera l’inventivité de ses dessins et la précision de tous les petits détails des illustrations, comme par exemple sur la double-page qui présente le supermarché de la forêt installé dans un arbre et ouvert à tous les petits animaux du coin. Les diverses expressions sur les visages, leur évolution selon les circonstances et le passage des émotions sont finement dessinées au fil du récit. Et sur la dernière page, l’ index de Pascaline levé sous le nez de sa mère, son petit sourire séducteur veulent tout dire à eux seuls…Et l’on note sur le visage de la mère le retour de la perplexité ! Le rôle de parent est plein d’ambivalences !
Voilà donc un album drôle et attachant dans lequel les très jeunes lecteurs se reconnaitront à coup sûr et pourront en rire…On ne peut qu’aimer la malicieuse petite Pascaline et son dynamisme. Cet album pourra peut-être aussi ouvrir quelques échanges entre adultes et enfants : A-t-on vraiment besoin d’acheter tout ce qui nous fait envie ? Qu’est-ce qui est vraiment important dans la vie ?
Pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut lire bien sûr Même pas en rêve et la présentation que nous en avons faite sur notre site !