La montagne noire
Auteur | Maria Jalibert |
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Editeur | Didier Jeunesse – 2018 |
Rémi est envoyé en colonie par son oncle et sa tante chez qui il vit depuis qu’il a perdu ses parents. Mais le jeune garçon se sent à l’écart et lors d’une sortie pique-nique au coeur de la forêt, il est oublié par le groupe. Difficile de ne pas se laisser submerger par la peur, seul et perdu au coeur d’une forêt pleine de mystères !
Le premier roman de Maria Jalibert, une artiste aux multiples facettes
Présentation
La montagne noire est un récit d’atmosphère original. L’ambiance est parfois anxiogène, parfois sereine, toujours étrange. L’expérience que vit Rémi est aussi mystérieuse que fantastique. Il progresse dans son aventure, surmontant ses peurs et ses angoisses. L’écriture sensible plonge le lecteur dans un univers envoûtant.
Analyse
Rémi doit se débrouiller seul pour survivre après son abandon dans la forêt. Comme Robinson Crusoé il construit une cabane pour se protéger de l’orage, il cherche des baies pour se nourrir. Au début du récit le lecteur pense s’engager dans une aventure qui valorise l’instinct de survie du héros. La découverte d’une bergerie et la rencontre de la jeune bergère, Sonia, sont logiques par rapport au contexte même si la vision d’une silhouette de vieille femme à travers une fenêtre interpelle. De fait, la bascule dans le fantastique est peu prévisible. La narration se déroule de façon continue, il n’y a pas de rupture temporelle. C’est l’accumulation de détails qui donnent à lire l’improbable. L’étrangeté de Sonia, ses réponses énigmatiques, l’apparition de la louve géante, espèce de louve-garou redoutable, sont les révélateurs d’un univers différent.
On peut penser qu’il n’est pas tout à fait juste de classer ce livre uniquement dans le genre fantastique. En effet il existe une part importante de merveilleux dans l’histoire. L’image de la forêt profonde est largement exploitée. Rémi s’y perd, il dit y avoir « vécu la peur, la solitude, le fracas de l’orage, les cauchemars ». Comme pour le Petit Poucet, le Petit Chaperon Rouge ou d’autres contes, la forêt représente un espace sauvage et sombre dans lequel il est possible de découvrir des choses insoupçonnées. La symbolique de l’eau, zone de passage d’un état à l’autre, est utilisée lorsque Rémi décide d’emprunter une barque et de suivre le cours de l’eau comme on suit le cours de son existence. On retrouve cette même symbolique dans Poucette par exemple. Le cercle de galets de la bergerie, espèce de talisman protecteur venu d’on ne sait où, révèle également un côté merveilleux qui dépasse tout entendement. Sonia ne sait pas pourquoi la louve ne pénètre pas dans le cercle, il s’agit juste d’une sorte de magie comme dans les contes celtiques. Enfin Rémi veut « se retrouver seul pour essayer de réactiver sa mémoire ». Pour ce faire il décide de gravir le Pic Noir. C’est ici la montagne, symbole d’élévation et de spiritualité, qui marque une transition importante pour le héros. En effet, après ce dernier périple sur la montagne noire Rémi va vivre la frayeur la plus importante de sa vie… et se retrouver vivant à l’hôpital. On peut rapprocher cette étape à La montagne aux trois questions, un conte vietnamien, qui raconte la transformation d’un jeune étudiant transformé en adulte éclairé grâce à l’ascension d’une montagne.
La fin du récit est surprenante. Non seulement Rémi a été oublié (qui pourrait penser qu’on oublie un enfant lors d’une sortie en colonie de vacances ?), mais en plus il a disparu pendant quatre jours effectifs, ce qui paraît bien long ! Le plus bizarre peut-être est la présence du cheval. Quel est le rôle de Daisy, la jument de Sonia, dans cette histoire ? Elle est la gardienne du troupeau, la compagne de Sonia. Elle marque de l’affection pour Rémi, elle l’écoute sans juger, et surtout elle le sauve de la louve-garou au péril de sa vie. C’est une présence animale forte et douce qui tient également du merveilleux. Elle devient le symbole du passage réussi de la vie de Rémi mais elle marque également une rupture avec le monde de la montagne noire. Que va devenir Sonia sans sa jument ? Là encore la fin laisse un goût d’étrangeté au lecteur.
Tout compte fait, il existe quelque chose d’archaïque dans ce récit de l’ordre des craintes, des angoisses, des émotions. Cette histoire est vraiment riche.
Pour prolonger la lecture
Nous vous proposons deux livres pour prolonger cette lecture.
Tout d’abord Jérémy Cheval de Pierre-Marie Beaude, Gallimard Jeunesse, Hors piste, 2003, l’histoire d’une métamorphose incroyable d’un jeune homme en apaloosa dans les grandes prairies américaine. Un livre fantastique, poétique, étrange, qui entraîne le lecteur dans une recherche de liberté, tant individuelle que collective.
Mon frère est un cheval d’Alex Cousseau dans la collection Boomerang éditée au Rouergue est également une très bonne référence. Ecrit selon deux points de vue ce livre raconte une étrange rencontre entre un garçon et une fille autour d’un cheval assez mystérieux.