April et le dernier ours

April et le dernier ours
Autrice

Hannah Gold

Traductrice

Amélie Sam

Editeur

Seuil Jeunesse – 2022

Depuis qu’April a perdu sa maman, son père, climatologue, s’est réfugié dans le travail. Alors quand ils partent vivre sur une île déserte du cercle polaire, la fillette espère qu’ils vont enfin passer du temps ensemble. Mais son papa est encore plus occupé qu’avant, et April se sent plus seule que jamais. Jusqu’à ce qu’elle découvre la présence, à l’autre bout de l’île, d’un ours polaire blessé, affamé et égaré, incapable de rejoindre les siens à cause de la fonte de la banquise. De cette incroyable rencontre naîtra une amitié intense, aussi profonde qu’extraordinaire. Une amitié dont le rayonnement pourrait changer beaucoup de choses…Et même ranimer la flamme qui s’est éteinte dans le cœur du père d’April.

Mots-clés : deuil, famille, île, grand nord, lien homme-animal, nature-écologie, relation adultes-enfants

Présentation générale

April est une petite fille de onze ans. Elle vit seule avec son père car sa maman est morte quand elle avait quatre ans. Le père est chercheur en climatologie, un métier très prenant qui lui laisse peu de temps libre pour s’occuper de sa fille, et auquel il se consacre avec d’autant plus d’énergie et de sérieux que cela occulte en lui la douleur du veuvage. C’est un père aimant, mais distant.

Il est accepté pour une mission de six mois sur une île du cercle polaire, qui consistera à étudier l’impact du réchauffement climatique sur la région arctique. C’est une île déserte qu’on appelle l’île aux ours, mais rassurez-vous, dit le père aux grands-parents d’April fortement inquiets : Il n’y a plus d’ours depuis longtemps sur cette île ! Après une traversée lors de laquelle April fait la connaissance deTör, le fils du capitaine, le père et la fille trouvent là-bas deux maisons en bois qui les attendent, une pour y vivre de manière fort spartiate et l’autre, la station météo, où le père va très vite s’enfermer toute la journée pour travailler et enregistrer les températures. April qui s’imaginait voir se resserrer sa relation à son père va vite déchanter. C’est à peine s’il s’aperçoit que chaque jour sa fille finit par partir seule explorer l’île. Il lui a expliqué que la disparition des calottes glaciaires avait entraîné celle des ours,en les empêchant de se déplacer l’hiver pour chasser.

Et pourtant April va rencontrer un ours lors de l’une de ses explorations ! Un ours polaire adulte, blessé et affamé, bloqué sur l’île et incapable de rejoindre la colonie d’ours la plus proche, à quatre-cents kilomètres de là. C’est une rencontre incroyable, très effrayante au début. Mais peu à peu April va apprivoiser l’animal, le libérer du plastique qui entrave sa patte et le nourrir de biscuits au beurre de cacahuètes à l’insu de son père qui ne sort de sa station que pour manger et dormir. Une amitié intense va se nouer entre l’ours et la fillette. Elle se décide à sauver son ami en le ramenant auprès des siens, au Svalbard. Pour ce faire, elle remet en état une vieille barque échouée sur l’île et organise leur départ avec un grand sérieux et du mieux qu’elle peut.

Le voyage s’avère extrêmement dangereux, April manque y perdre la vie sous une terrible tempête orageuse. Ils sont heureusement récupérés par le bateau du père de Tör, celui-ci ayant été alerté par le père d’April bouleversé par la disparition de sa fille. Celui-ci prend alors la mesure de ce qu’a vécu April sans qu’il y prête ni attention ni grand crédit. La fillette persuade le capitaine du bateau d’achever le voyage jusqu’au Svalbard afin d’y rendre sa liberté à son ami l’ours.

Elle reviendra, elle se le promet, quand elle sera grande, pour y travailler à l’institut polaire. En attendant, ce qui est sûr, c’est qu’April et son père, après l’aventure de ces six mois, ont désormais retrouvé un solide chemin l’un vers l’autre.

Notre avis

« Inoubliable », nous en dit Michael Morpurgo sur la couverture, lui-même grand « raconteur d’histoires » pour la jeunesse ! Et c’est vrai qu’April et le dernier ours a été pour nous un très grand coup de cœur, un de ces romans captivants qu’un adulte lit en oubliant qu’il a, a priori, été écrit pour de jeunes lecteurs…Et ce n’est pas si fréquent. Alors certes, nous le conseillons à partir du CM2 jusqu’aux premières années de collège car il compte quand même 269 pages et c’est un gros volume de lecture. Cependant, tout en étant extrêmement bien écrit (et bien traduit…), le vocabulaire n’est pas complexe et le style est d’une grande fluidité. Il y a dans ce livre une vraie tension dramatique qui fait qu’on ne le lâche pas ! Bien sûr, il s’agit d’une sorte de fable. Une telle amitié entre une enfant et un animal sauvage potentiellement dangereux n’est pas possible dans la réalité (Comme le précise l’autrice en fin d’ouvrage dans une note documentaire) mais la magie de cette rencontre opère vraiment, on y croit, on en est très touché. Hannah Gold tisse avec talent les fils du conte et ceux, très concrets, de la réalité.

Car derrière cette histoire d’amitié, des thèmes très importants sont traités, et qui parleront forcément aux jeunes lecteurs. En premier lieu bien sûr l’écologie et l’avenir de notre planète auxquels sont sensibles beaucoup de jeunes. Ce qui est donné à voir de la nature et du sauvage est magnifique, le lecteur est transporté et émerveillé. Mais il est alerté aussi : Cette beauté est menacée. Le texte est d’une précision toute scientifique sur le sujet de la pollution, de la fonte des glaces, du réchauffement climatique et de la menace qui pèse sur les espèces animales, vouées à disparaître si l’on ne fait rien. Le message est clairement militant mais jamais didactique, jamais lourd. Il donne évidemment à réfléchir.

Histoire d’amitié aussi, comme nous l’avons déjà dit. Impossible donc dans la « vraie vie » mais cependant racontée en évitant l’écueil de l’anthropomorphisme, ce qui n’était certainement pas évident. Nous restons sur le point de vue de l’enfant, qui apprivoise peu à peu l’animal et qui le « devine » jusqu’à comprendre son histoire et les évènements qui l’ont amené à rester prisonnier de l’île. Peut-être transfère-t-elle juste ses propres émotions et sa propre histoire sur l’ours. Mais peu importe, restons dans la magie. Ce qui scelle leur amitié, leur communion à la fin du roman, c’est qu’ils sont tous les deux seuls, abandonnés, sans leur mère et prisonniers de quelque chose. Ils étaient faits pour se rencontrer et se sauver l’un l’autre. Elle, en le nourrissant et en tentant de le ramener auprès des siens. Lui, en la consolant de sa solitude et de ses espoirs déçus.

Et pour finir, ce roman raconte aussi une histoire familiale bouleversante, une histoire de deuil, une histoire de transmission et de lien défaillant qui va se reconstruire. On a le père en veuf inconsolable, en scientifique si rationnel, qui peine à trouver les mots pour se rapprocher de son enfant. On a une mère disparue, toujours présente dans la douleur du père mais aussi en ce qu’elle a semé chez sa petite fille avant de mourir : l’amour de la nature, des jardins, des animaux, « la joie d’être dehors » … On a une petite fille dont l’autrice fait un très beau portrait, une petite fille sensible, courageuse, intelligente, qui mène son aventure jusqu’au bout, jusqu’à risquer sa vie. Et c’est parce qu’il a risqué de la perdre que le père prend conscience de l’impasse dans laquelle il s’est enfermé pour tenter de trouver un refuge. Le livre se termine sur cet émouvant rapprochement, celui d’April et de son père qui s’apprêtent à vivre ensemble d’une toute autre manière : Le père en a « les yeux brillants comme des étoiles ». Il est enfin prêt à surmonter son deuil et à relever la tête : c’est l’enfant qui a ouvert la voie à la renaissance de l’adulte.

N’oublions pas non plus l’amitié naissante d’April et de Tör, le jeune Norvégien à qui elle doit en partie son sauvetage. Un autre horizon personnel s’ouvre là aussi pour April, au prénom printanier. Un renouveau.

Il nous faut noter les très beaux et très réalistes dessins en noir et blanc de Levi Pinfold qui accompagnent parfaitement le texte. April et le dernier ours est réellement un excellent roman, à tous les points de vue !

Mise en relation avec d’autres albums

Autre petite fille lancée dans un périlleux voyage jusqu’au Grand Nord où vivent les ours polaires : La petite Lyra dans le cycle passionnant des Royaumes du Nord de Philip Pullman. Celui-ci comporte plusieurs tomes et explore un univers davantage fantastique.

A la croisée des mondes - A la croisée des mondes, Édition illustrée T1 - 1