Edouard et Patoune
Auteur | Espen Dekko |
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Illustratrice | Mary Kanstad Johnson |
Editeur | Albin Michel Jeunesse-2022 |
Patoune rêve
Il rêve de lapins.
Autrefois, il courait après eux.
« Allez, réveille-toi, Patoune.
On va se promener » dit Edouard.
Mots-clés : lien homme-animal
Présentation de l’éditeur
Patoune est le chien d’Edward et aussi son meilleur ami. Mais Patoune n’est plus tout jeune, et souvent fatigué. Lorsqu’ils se promènent tous les deux, il aime se reposer lorsque le petit garçon croise des amis. Le vieux chien rêve et se souvient, tout en appréciant la douceur de ne plus ressentir l’urgence de courir. Puis un jour, Patoune s’endort, mais ne rêve plus. Alors Edward sortira sans Patoune, mais il se souviendra, toujours, de Patoune courant après les lapins.
Notre avis
Un album lumineux qui aborde le thème de la mort avec beaucoup de délicatesse.
Les illustrations parlent d’elles-mêmes pour comprendre l’attachement des personnages, pour ressentir l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre. Il y a tellement de complicité entre l’enfant et le chien ! Les couleurs chaudes soutiennent l’impression d’une joie tranquille qui n’a aucune raison d’être contrariée.
Le texte simple et concis, accompagne chaque double page en décrivant différents états de Patoune quand il dort, quand il suit Edouard… L’écriture est pudique, le sentiment de tendresse reste omni présent.
Patoune est le personnage principal du livre mais Edouard tient une place essentielle. Et étant capable de rêver avec bonheur à celui qu’il a perdu, il devient lui aussi le héros du livre. C’est lui qui permet de se projeter dans la continuité de la vie.
Nos commentaires
Edouard et Patoune s’entendent visiblement très bien. Il n’y a qu’à regarder la première de couverture. Edouard est allongé, détendu, les yeux clos, sur l’échine de son chien. Il se laisse bercer dans le galop bonhomme de son animal. Patoune regarde son petit maître avec beaucoup d’affection, la langue pendante, le sourire dans les babines. Une image de bonheur tranquille, voire de plénitude. Pourtant l’histoire d’Edouard et Patoune n’est pas si enviable puisque Patoune vieillit et sa mort est prévisible.
L’album aborde essentiellement les bons moments, les temps de partage entre Edouard et Patoune, les temps de vie. Il exprime beaucoup de tendresse avec son ambiance colorée, ses personnages tranquilles, aimables et souriants. Dans ces conditions nous pensons qu’il peut être difficile pour de très jeunes lecteurs de comprendre le réalisme de la situation. Certes la fin de l’animal est évoquée lors de deux doubles pages, juste avant la fin de l’album. Le texte parle des larmes d’Edouard, du vide dans la maison et lors de la promenade au parc. L’image présente l’enfant seul, effondré sur un banc du parc, sur un fond bleu nuit très peu habité. Mais la dernière double page, identique à la première de couverture, évacue tout sentiment de tristesse. Elle apporte une nouvelle énergie, un nouvel élan, toujours dans un cadre positif. L’amertume, la tristesse sont laissées de côté au profit de l’espoir. La force de la pensée d’Edouard abolit la peine de la disparition au profit du souvenir et de la vie.
Il est également possible de s’intéresser au format de l’album pour bien comprendre l’objet du récit. En effet, l’éditeur use d’une astuce assez originale dans sa présentation. La page de garde avant montre Edouard et Patoune dans toutes sortes de situations : ils pêchent, ils font du vélo, du tourisme… Le lecteur peut s’amuser à regarder les nombreuses expériences des deux personnages sur un fond jaune soleil très attrayant. C’était avant ! La page de garde arrière présente le même fond jaune empli par une végétation luxuriante. Cette fois les personnages sont deux petites ombres noires, à peine visibles. C’est après ! Une façon astucieuse d’encadrer cette histoire pas si simple en se posant la question : que s’est-il passé entre ces deux pages de garde ?
L’approche du vieillissement de Patoune passe par deux phases essentielles de son état, ses rêves et ses agissements. Dans ces rêves Patoune court après les lapins. Il chasse les chats, les voitures, les avions, mais surtout les lapins ! Dans la réalité Patoune dort beaucoup. Il suit Edouard dehors mais il marche lentement et il se repose dès que possible. Son sommeil empli de rêves est le révélateur du poids de ses années. Son endormissement sans rêve est le signal de son décès.
Edouard ne semble pas prendre en considération l’âge de son compagnon. Il s’installe confortablement avec lui, il lui parle, le câline, le sort sans laisse, en toute tranquillité. Il ne se rend même pas compte que c’est lui qui rapporte le bâton à la place de Patoune, trop fatigué. Il y a comme une sorte d’inversion des rôles entre le garçon et le chien. Le chien est trop vieux pour agir, l’enfant prend le relais. C’est une belle image de transmission.
Le texte aborde avec pudeur la fin de l’animal. Son vieillissement est annoncé par une succession de phrases négatives sur ses besoins (Patoune n’a plus besoin d’aller aux toilettes, plus besoin de courir, plus besoin de marcher). Il n’est pas question de ce qu’il ne peut plus faire mais plutôt de ce qui n’est plus utile pour lui. Sa fin est une suite de phrases courtes toujours négatives (Il n’a pas soif. Il n’a pas faim. Il ne veut pas sortir). Cette façon d’écrire donne le sentiment que la vie de Patoune est accomplie, il n’a plus de besoins, il a juste envie de se coucher dans le lit d’Edouard et de rêver. Il y a une espèce de sagesse dans ces énonciations. La mort de l’animal est inévitable au vu de son âge. Elle arrive sans douleur, sans effets dramatiques, dans la continuité de la vie. Patoune est un chien, une grosse peluche, une boule de tendresse. Il pourrait être un grand-père ou toute autre personne d’un certain âge. Sa mort est acceptable car inéluctable.
L’abandon, la séparation sont des thèmes assez fréquents pour la tranche d’âge des enfants non lecteurs. La mort est souvent abordée un peu plus tard. Dans nos coups de cœur vous pourrez trouver Mon papy perce neige ou La liste des choses à faire absolument pour les petits lecteurs, à partir de 7/8 ans. Edouard et Patoune est donc un album original et tout à fait réussi.