L’aventurier

L’aventurier
Auteur/illustrateur

KIKO

Editeur

L'élan vert – 2023

Je suis un costaud, un dur à cuire. On m’appelle Jack le Borgne. Sur le bateau, il y a toujours du boulot pour un gars comme moi. Et puis, il y a la mer. Terrible. Impitoyable. Qui vous embarque dans des aventures…extraordinaires !

Mots-clés : animal, pirate

Présentation générale

Un petit chien noir et blanc se présente, bandeau de pirate sur l’œil droit et l’air pas commode du tout, le genre qui n’a peur de rien : Jack le Borgne. Il commence à nous parler de sa vie d’aventurier à bord des bateaux où il embarque comme chasseur de rats, un métier dangereux où l’on devine qu’il a dû un jour y perdre son œil.
Puis il évoque la mer et ses tempêtes, très dangereuses aussi et dont il semble avoir une grande expérience, les naufrages inévitables où l’on risque à chaque fois sa vie, lors desquels il faut se battre et croire en sa bonne étoile.
A partir de là, le récit se précise : Jack le Borgne se met à nous raconter sa dernière aventure en date. Cette fois-ci, il est sauvé in extremis de la noyade par une énorme baleine qui le dépose sur une plage lointaine où poussent des palmiers et où un troupeau d’éléphants étonnés le découvrent. Ce sont les princes d’un royaume aux châteaux de verdure, qui lui réservent un accueil digne d’un héros, dans une nature luxuriante où l’on peut jouer sans fin avec les singes et les oiseaux exotiques qui deviennent ses amis.
Un soir, alors qu’il contemple la mer et le ciel étoilé en compagnie des éléphants, Jack entend une voix mystérieuse qui l’appelle : Où es-tu ? Où es-tu ? (On comprendra plus tard d’où vient cette voix et à qui elle appartient.) Jack éprouve le besoin irrépressible de la rejoindre. Ses amis les singes lui tressent une nacelle en feuilles de palmier : Je suis arrivé par la mer. Je m’en irai par les airs. Cette nacelle une fois attachée aux pattes de quatre oiseaux, Jack quitte ses amis en larmes, guidé par la voix qui continue de l’appeler. Ils arrivent au-dessus d’une grande ville qui ressemble à New York et les oiseaux le déposent dans un grand parc. Là, soudain, sous le regard étonné des quatre oiseaux, Jack file comme une flèche vers une petite fille qui l’attend ; celle qui, et là nous faisons le lien, l’appelait depuis un moment.
Plus de bandeau sur l’œil, plus d’air farouche, Jack l’aventurier redevient celui qu’en fait il n’a jamais cessé d’être, le gentil Poupinou tout heureux de retrouver sa petite maîtresse adorée : C’est l’heure du goûter…On comprend alors que le grand récit qu’il nous a fait de ses aventures était un pur produit de ses jeux dans le parc et de son imagination débridée. Poupinou n’est en fait ni un costaud ni un dur à cuire. Mais ce qu’il adore, c’est jouer à s’inventer des aventures extraordinaires, aventures qu’il serait bien en peine de vivre dans la réalité !
C’est dans une de ces histoires imaginaires qu’il nous a conviés tout le temps du livre…

Nos commentaires

Sur une jolie couverture « à l’ancienne », de belles couleurs chaudes, notre petit héros en pleine gloire et un titre accrocheur : L’aventurier…
C’est quoi un « aventurier » ? Quelqu’un qui a le goût de l’aventure, des péripéties, quelqu’un qui aime braver les dangers, se confronter à l’inattendu, aux risques imprévus, aux rebondissements. Rien que le titre, nous sommes déjà prêts à embarquer ! Le dessin de la couverture contient déjà beaucoup d’éléments de l’histoire, la mer, les palmiers, le coucher de soleil, la silhouette de grands oiseaux qui tirent quelque chose (mais quoi ?), tout en haut l’ombre de quelques gratte-ciels sous les étoiles, les éléphants et les singes saluant avec adoration un petit chien pirate qui nous fait craquer avec son front plissé de gros dur et ses fleurs roses insolites sur la tête : Déjà on n’y croit qu’à moitié au « dur à cuire » et il nous fait sourire cet Indiana Jones à quatre pattes…

Il n’empêche, la révélation de la fin sera vraiment une surprise. Dans les deux tiers de l’album, nous faisons connaissance avec le « terrible » Jack le Borgne qui nous explique sa vie, avec son vocabulaire de baroudeur (Dans les ports, il y a toujours du boulot pour les gars comme moi. Il suffit d’embarquer sur le premier rafiot venu.) et le ton dramatique qu’il faut prendre pour nous persuader qu’il ne craint rien, qu’il peut tout affronter (Et puis il y a la mer. Terrible. Impitoyable.)
Nous sommes au cœur de l’action, on y croit, on tremble pour Jack tout en étant persuadé qu’il saura se sortir des pires situations. A voix haute, la lecture pourra s’assombrir et se dramatiser à souhait pour faire sentir tous les dangers !
Jack se met alors à nous raconter sa dernière aventure, celle où il a frôlé une mort inéluctable…, mais qui au bout du compte s’avère riche de rencontres et de belles découvertes. Le ton s’allège. Plus de menaces. Accueilli comme un petit roi dans des châteaux de verdure, Jack le Borgne retrouve le sourire et s’émerveille de tout, assis sur le crâne d’un des princes éléphants, couronné de fleurs. Il est rigolo, ce petit chien minuscule, bien plus petit que la baleine qui l’a sauvé, que les éléphants qui l’ont adopté mais si fier et tellement à l’aise en toutes circonstances… Dans la forêt luxuriante, un paradis perdu où l’on peut jouer sans fin, il n’est plus le pirate endurci mais le copain tout fou des singes qui sautent avec lui de liane en liane. Tous les animaux, éléphants, singes, oiseaux, tous vont pleurer quand il va repartir grâce à leur aide…
Quand l’aventure extraordinaire prend bientôt fin à cause de la voix d’une petite fille soudain reconnue, assis dans sa nacelle juste avant le départ et entouré de ses amis, Jack le Borgne n’a plus du pirate que le bandeau sur l’œil, il paraît minuscule et désarmé. Peut-être est-il juste triste de quitter ses amis…Ou bien est-ce le petit Poupinou qui commence à refaire surface ?

Arrivé dans le parc, ce n’est effectivement plus le pirate qui sort de la nacelle. Le jeune lecteur attentif notera que le bandeau a disparu, que la couronne de fleurs s’envole…En se libérant de la nacelle, Jack sort de son jeu imaginaire. Et là, retournement : Car en fait…L’effet de surprise est total. On comprend alors à qui appartenait la voix entendue par-delà la mer ; on comprend la véritable identité de notre petit chien et aussi qu’il nous a embarqués dans une des aventures qu’il s’invente, dans les histoires imaginaires qu’il vit quand sa maîtresse l’emmène au parc. La dernière page fait sourire elle aussi : Retour à la vraie vie confortablement douillette : Poupinou s’est endormi sur son coussin, près de Lily en train de lire, la sortie au parc l’a épuisé. Sur les murs du salon et sur les étagères d’une bibliothèque, on voit tout ce qui sans doute enrichi l’imaginaire de Poupinou : les vieux livres d’aventure que peut-être sa maîtresse lit parfois à voix haute, les tableaux, les statuettes d’animaux, une maquette de bateau, des collections d’insectes…On y retrouve en clin d’œil la référence à Moby Dick, la vague d’Hokusaï qui a bien failli noyer Jack le Borgne, l’éléphant, le perroquet, la plage au palmier, tout ce qui a nourri l’imaginaire de Poupinou.

Notons que les illustrations sont toutes très belles, en pleines pages grand format la plupart du temps mais aussi parfois découpées façon BD, le texte inséré dans les dessins en de petites vignettes « à l’ancienne » elles aussi, comme dans les vieux romans d’aventure…De très beaux camaïeux pour les scènes de mer, les couchers de soleil, l’envol des oiseaux, la forêt tropicale, l’approche de la grande ville.

Les enfants qui dans leurs jeux savent si bien se transformer en reines, en princes, en animaux dangereux, en voleurs, en sauveteurs de la planète, en tout ce qu’ils ne sont pas « en vrai », auront forcément de la sympathie pour Poupinou alias Jack le Borgne.
Cet album que nous aimons beaucoup est un bel hommage à l’imaginaire, au droit que nous avons tous de rêver, de nous inventer autre que ce que nous sommes. Hommage également aux histoires plus grandes que la vie, aux fictions qu’on imagine pour notre plaisir. Hommage, pour terminer, à la littérature et aux extraordinaires voyages auxquels elle nous convie…en restant bien au chaud chez soi !

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