Les yeux de la forêt

Les yeux de la forêt
Auteur

Emmanuel lecaye

Illustrateur

Jean Mallard

Editeur

Actes sud Junior – 2022

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Une forêt mystérieuse et un monstre terrifiant, c’est le début d’une expédition nocturne pour Micha, bien déterminé à connaître la vérité sur ce qui effraie tant les habitants de son village…Un album sublime pour surmonter ses peurs.

Mots-clés : mystère, forêt, nuit, amitié, courage, peur, monstre

 

Présentation générale

Micha et Yacha sont deux petits garçons ours qui habitent dans le village de Samara. Juste à côté de ce village, il y a une forêt où personne n’est jamais allé parce qu’on raconte qu’elle abrite un monstre effrayant. Yacha dit qu’il n’en a pas peur et rêve de partir à la chasse au monstre. Micha, lui, est persuadé qu’il n’existe pas. Chacun de son côté et sans se le dire décide un soir de tenter l’aventure, l’un pour attraper ce monstre mystérieux dont tout le monde a peur sans l’avoir jamais vu ; l’autre pour en avoir le cœur net et prouver que cela n’est que le produit de l’imagination collective. Ils vont se retrouver dans la forêt et poursuivre ensemble leur quête en essayant de surmonter leur peur : la forêt la nuit n’est quand même pas très rassurante…Quand ils croiront se retrouver devant l’horrible créature, ce monstre aux mille yeux terrifiants, même Micha sera tenté de fuir. Mais la lumière de la pleine lune leur révèlera soudain qu’ils n’ont devant eux qu’un grand rocher plein de creux et de formes bizarres, peuplé d’oiseaux et d’une foule de petits animaux inoffensifs ! C’était leurs yeux que l’on voyait étrangement briller dans la nuit, rien d’autre…Revenus au village, Micha et Yacha racontent leur aventure sans en révéler le dénouement. Ils proposent à tous ceux qui le veulent de venir avec eux « chasser le monstre ». Le grand rocher devient le terrain de jeu préféré de tous les enfants de Samara.

Nos commentaires

L’album attire tout de suite par la taille et la grande beauté de ses illustrations. Les couleurs sont magnifiques : harmonies de bleu et de vert pour déployer le monde de la nuit et de la forêt ; en opposition, une gamme chaude pour décrire le village. Le monde nocturne et végétal est lui-même piqueté de couleurs chaudes quand les yeux mystérieux brillent dans le noir, et que la lumière de la lune permet de voir les fruits des arbres, quelques fleurs et tout le petit monde animal caché dans le rocher. Tout à coup, la nuit révèle alors ses couleurs. Les dessins fourmillent de petits détails à observer, dans le village ou dans tous les creux de ce rocher qui abrite une faune inattendue et très colorée. Sur le site de l’illustrateur, Jean Mallard, on peut lire que les sources de son inspiration sont les peintres russes populaires, les miniatures indiennes, les estampes japonaises…Et bien sûr le Douanier Rousseau auquel on pense inévitablement en contemplant les beaux rideaux de végétaux dessinés en gros plan dans l’album. On peut également penser à Klimt avec ce rocher dans le noir qui brille de tous ces regards étranges. Cette très belle forêt fait peur, mais un peu peur seulement. La beauté des dessins et l’émerveillement qu’elle suscite relativise l’inquiétude portée par le texte. L’album est destiné aux très jeunes lecteurs. C’est sans doute pour cela aussi que les habitants de Samara sont des ours à l’allure inoffensive et que Micha, Yacha, nous font penser au rassurant Petit Ours Brun.

L’histoire est simple et accessible. Le sujet en est donné dès la première page : On imagine beaucoup de choses dans la forêt, la nuit. Des choses terrifiantes. Ce qu’on va nous raconter est peut-être terrifiant mais on sait tout de suite que l’imaginaire est en jeu et qu’on n’a donc pas besoin d’avoir vraiment peur. La force de l’imaginaire sur nos peurs, et notamment la peur du noir, est à prendre en compte pour pouvoir les surmonter, les rationaliser.
Les deux personnages n’appréhendent pas le mystère du monstre de la même manière mais ils vont s’épauler pour aller au bout du chemin. Micha a un monstre à démasquer ; Yacha un monstre à aller chasser. Ils vont confronter leurs convictions, ils vont parfois les mettre en doute quand l’émotion se fera plus forte. Yacha dit qu’il n’a pas peur du monstre auquel il croit mais face au rocher dans le noir, brillant de tous ces yeux, il est tout de même sidéré. Macha, lui, ne croit pas à la réalité du monstre mais il est malgré tout parfois tenté de fuir. Et c’est celui qui ne mettait pas en doute l’existence du monstre qui va retenir Micha quand la lune éclairera le rocher : Attends, regarde ! Regarde bien !
Leurs certitudes s’enrichissent l’une l’autre. Et ce qui est important c’est qu’au bout du compte ils parviennent ensemble à surmonter leurs peurs.

Le livre est un bel hommage au courage. Certes on continuera à parler du monstre au coin du feu à Samara. Mais comme d’un personnage d’une histoire, d’un conte, grâce auquel on pourra continuer à jouer à se faire peur. La fin de l’histoire ouvre sur l’idée d’un imaginaire positif, sans peur irraisonnée. On joue à la chasse au monstre mais on sait que ce monstre n’existe pas en vrai, seulement dans la richesse des histoires que l’on s’invente.

Le livre est aussi un hommage au vivant. Les enfants du village vont pouvoir au travers de leurs jeux découvrir et apprivoiser la réalité de la forêt, avec ses arbres, ses animaux, la beauté de ses différentes lumières

Pour prolonger la lecture

Il existe de nombreux livres sur les peurs nocturnes. Sur notre site nous vous proposons Fanny et la nuit, un très bel album illustré.

Fanny et la nuit - 1