Notre présentation

Alicia Grant est l’auteure d’une série de romans pour enfants. Elle a la chance d’être éditée par une maison reconnue à Londres. Elle a voulu vivre au calme pour écrire. Elle habite depuis quelque temps dans un coin perdu en Irlande avec ses trois enfants. Mais Alicia est peu rémunérée et ses éditeurs lui imposent un rythme d’écriture infernal. Ses enfants l’aident beaucoup dans son travail mais elle est épuisée. Elle décide d’aller à Londres elle-même pour rendre son nouveau manuscrit (le huitième) et pour demander une augmentation à ses employeurs.

C’est là que tout bascule ! Alicia découvre qu’une autre personne dédicace ses romans à sa place, et elle disparaît !

Plus aucune nouvelle ! Ses enfants, seuls chez eux, s’inquiètent. Que faire ? Emma, la plus petite (6ans) a une idée saugrenue. Elle envoie un courrier à Connie Mara, l’héroïne des romans de la série, lui demandant de l’aide. Et qui arrive le lendemain sur sa vieille moto russe pétaradante décrite dans les romans ? Connie Mara en personne !
Tom (14 ans) et Violette (12 ans) connaissent bien l’héroïne (13 ans) car ils participent très activement à l’écriture des romans. Quant à Emma, elle sait tous les récits par cœur. Mais Connie n’est pas tout à fait comme ils l’imaginaient. Elle a certes un côté fascinant mais elle est aussi agaçante. Néanmoins elle a l’habitude des enquêtes et du risque. C’est elle qui trouve la piste d’un rendez-vous mystérieux à Londres pour faire avancer les recherches.

Tom et Violette sont désignés pour mener l’enquête alors que Connie reste chez eux avec Emma, trop petite pour partir. Les deux ainés se retrouvent alors embarqués dans des aventures totalement folles, incroyables, inimaginables, dignes des exploits de Connie Mara ! Ils traversent l’Irlande à moto, embarquent clandestinement dans un ferry, échappent à un homme de la sécurité à la mine patibulaire, se rendent à Londres, trouvent enfin le lieu improbable du rendez-vous. Pendant ce temps Connie et Emma ne sont pas en reste. Elles agissent elles-aussi sur les exploits de Tom et Violette. Leurs interventions ne sont pas toujours aussi positives qu’on pourrait le souhaiter mais elles provoquent des réactions et font avancer l’histoire.

Tom et Violette vont-ils réussir leur mission ? Oui. Ils vont retrouver leur mère au fin fond de la campagne londonienne. Elle avait été abusée et elle s’était installée naïvement chez ses éditeurs voyous pour quelques jours.
Connie va-t-elle rester chez les Grant ? Non. Elle partira avant le retour effectif d’Alicia et de ses enfants. Et elle reprendra son rôle dans de nouvelles aventures relatant ses exploits. Tout est bien qui finit bien.

Un récit d’aventures dans lequel on ne s’ennuie pas ! Le suspense est vraiment au rendez-vous. Des épreuves, des rebondissements, des moments dramatiques, des moments hilarants, des enfants futés qui ne maîtrisent pas toujours les évènements mais qui trouvent toujours des solutions ! C’est un régal, un vrai divertissement !

Nos commentaires

Les exploits de Connie Mara est sans aucun doute un récit d’aventure. C’est aussi un récit fantastique dans lequel l’héroïne de fiction prend forme pour intervenir directement non pas dans son histoire, mais dans l’histoire de la famille Grant. Son apparition, aussi rocambolesque soit-elle, pose la question de la place des personnages dans un récit. Est-ce que les auteurs sont toujours les maîtres de leurs personnages ? Est-ce que les personnages prennent parfois le dessus amenant les auteurs dans des chemins imprévus ? Quelles interactions existent entre un personnage et son auteur ?

Alicia Grant et ses trois enfants sont les concepteurs du personnage « Connie Mara ». Alicia écrit, Emma et Violette trouvent toutes sortes d’idées pour la sauver ou la mettre en péril, Tom s’occupe des ajustements et de la mise en page sur son ordinateur. Il s’agit bel et bien d’un travail d’équipe, d’une co-écriture pour mettre en valeur une héroïne admirable comme en témoigne le premier chapitre (un extrait du livre de Connie). Connie est présentée comme une jeune aventurière intrépide, courageuse, volontaire. Telle Indiana Jones elle pilote un hydravion, le vieux coucou de son père, avec une dextérité incroyable. Telle James Bond elle n’hésite pas à se jeter à l’eau dans la nuit noire pour rejoindre la terre ferme. Spike, son adorable labrador, l’accompagne le plus souvent. Elle ne supporte pas l’injustice et elle est toujours prête à lutter contre le docteur Storm et sa bande, les méchants de ses histoires. Elle est le personnage qui fait rêver les lecteurs.

Ainsi décrite Connie est éminemment sympathique et tout le monde aimerait faire sa connaissance. Mais la « vraie » Connie n’est pas aussi idéale que celle décrite dans les livres. La rencontre entre le personnage imaginé et ses créateurs est vraiment amusante. Les enfants Grant vont de découverte en découverte. Connie s’avère gouailleuse, prétentieuse, sans gêne. Elle n’écoute rien et n’agit que selon ses propres règles. Bien sûr elle a de l’expérience et c’est elle qui initie le début de l’enquête. Mais ensuite elle ne s’avère pas aidante, bien au contraire. En effet, Connie parvient à prendre la main sur l’écriture du récit en accédant à l’ordinateur de Tom. Elle peut ainsi imaginer les péripéties que vivent Tom et Violette. Elle leur permet de progresser. Elle s’amuse aussi à les placer dans des situations embarrassantes, malaisées. Connie savoure son plaisir, elle se venge de tous les coups durs que lui ont infligés ses auteurs ! La situation pourrait sembler un peu cynique mais le jeu entre les personnages est dynamique et toujours amusant à lire. Le lecteur tremble, palpite. Il craint pour le devenir des enfants, il admire leur courage et leur ténacité. Il assiste à la naissance de deux nouveaux héros.

En effet, le frère et la sœur avancent dans leur quête en dépassant toute sorte d’obstacles incroyables. Quelques touches d’ordinateur et ils rejoignent le port en moto dans un temps record pour embarquer sur le ferry par un coup de théâtre… très brutal. Quelques nouvelles touches et ils trouvent un restaurant à bord. Affamés ils s’installent… mais ils n’arrivent pas à se contrôler, font n’importe quoi et se retrouvent dans l’impossibilité de se restaurer. Connie, pas toujours fairplay, domine le déroulé du récit. Heureusement la petite Emma prend la mesure du pouvoir de l’accès à l’ordinateur. Elle intervient elle aussi, pour aider ses frères et sœurs cette fois.

Tom et Violette comprennent l’influence du jeu de l’écriture. Ils prennent surtout conscience de l’emprise de Connie sur le récit. Ils arrivent à interrompre sa mainmise en faisant changer le mot de passe de l’ordinateur. C’est la deuxième partie de leur aventure pendant laquelle ils sont livrés à eux-mêmes. Seuls ils se rendent à Londres, arrivent à s’introduire dans le pub, l’endroit du mystérieux rendez-vous. Certes leur père les accompagne pour résoudre définitivement le problème de la disparition mystérieuse de leur maman, mais ils font preuve de détermination, de bravoure et d’ingéniosité, avec ou sans l’interférence d’un écrivain. Connie n’est pas si mauvaise joueuse. Au moment de son départ elle reconnaît la valeur des deux enfants, tout en gardant sa fierté (« Il faut savoir s’effacer, Emma. Ce sont eux les héros de cette histoire. Personnellement je déteste quand on cherche à me voler la vedette. Tu les féliciteras pour moi, d’accord ?»). Le roman pourrait paraître déconcertant au vu du méli-mélo de personnages mais il suffit de se laisser porter par les courts chapitres successifs pour entrer dans cette histoire pleine d’aventures palpitantes.

Le rythme est enlevé, les rebondissements sont multiples. Le lecteur voyage d’un univers à l’autre. Les mises en abyme le plongent dans le monde de Connie et de ses exploits. La vie dans la maison des Grant le ramène dans un espace- temps assez bizarre et jubilatoire de mélange de fictions. Le voyage vers Londres lui permet de vivre des situations palpitantes. Le suspense est toujours au rendez-vous. Alicia écrit son histoire, « CHTONG ! », le compteur électrique saute, la lumière s’éteint au cœur de l’action…impossible de savoir ce que devient Connie. Alicia entre dans la librairie londonienne, s’aperçoit qu’une actrice signe les autographes et… silence. Elle ne reviendra dans l’histoire que sur les dernières pages. La moto de Tom et Violette est projetée dans un camion et c’est le trou noir… Tom perd connaissance avant de se retrouver vivant dans un salon du ferry qui les amène en Angleterre. Le récit est toujours surprenant.

Le roman est d’autant plus plaisant à lire que l’ambiance générale est toujours bienveillante. La famille Grant est une famille très unie. Le travail d’équipe d’Alicia et de ses enfants est touchant. Lors de la disparition d’Alicia la fratrie fait corps. Emma est subjuguée par Connie mais elle n’hésite pas une seule seconde quand il est question d’aider ses frère et sœur. Les enfants ne sont pas abandonnés et sans repères. Il y a toujours des adultes proches (le voisin, le père) prêts à intervenir en cas de coups durs. Certes il est question de revanche mais cette notion, appréhendée généralement de façon négative, est ici abordée comme un moyen de s’assumer. Connie n’est d’ailleurs pas la seule à régler ses comptes. Alicia a choisi de décrire le docteur Storm, le méchant de ses histoires comme son ex-mari. Le monde de l’édition est décrit comme un monde de filous relativement malhonnêtes. Est-ce un hasard ? Seul Philippe Arrou-Vignod pourrait nous répondre. Mais il semble bien qu’écrire soit un exutoire intéressant pour se débarrasser de mauvaises pensées tout en s’amusant.

De toute évidence le roman induit une réflexion sur l’écriture. L’aspect technique est incontournable. Il faut trouver les idées, les poser sur papier, les taper. Il faut relire, corriger, imprimer et éventuellement être payé. Mais tout le monde n’est pas auteur à succès car les étapes décrites plus haut ne sont pas suffisantes pour être lues avec plaisir. Emma, du haut de ses six ans a déjà une idée bien précise des enjeux de l’écriture. Elle n’hésite pas à critiquer Connie dans son élan d’écriture. Elle la trouve « pas trop sympa » quand elle traite Violette de « peureuse » et Tom de « benêt ». Elle n’apprécie pas non plus une ellipse qui les fait changer de lieu d’un chapitre à l’autre sans aucune logique. A la fin du livre elle invite même Violette à revoir son texte qu’elle trouve peu favorable à Connie. De fait le roman engage les lecteurs à s’interroger sur les aventures vécues par les personnages dans leur livre. Et si eux-mêmes écrivaient ? Comment s’y prendraient-ils ?

Une invitation originale à entrer dans la fiction pure. Une énigme à résoudre. Des enfants sympathiques qui virevoltent, s’entrecroisent, s’influencent dans des aventures à suspense. On tremble, on s’amuse. Voilà une comédie d’aventures surprenante et captivante !

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