Le garçon du phare
Auteur - Illustrateur | Max Ducos |
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Editeur | Sarbacanes – 2019 |
« La peinture semblait si réelle que j’eus l’impression de sentir un vent chaud me caresser le visage.
Enveloppé par cette sensation mystérieuse, je touchai une pierre : je pouvais sentir sa surface rugueuse… Il me sembla même entendre de lointains cris de mouettes… N’y tenant plus, je plongeai à travers le mur, vers ce monde inconnu. »
Présentation générale de l’éditeur
Le narrateur, Timothée, renvoyé dans ses pénates par sa sœur ado dédaigneuse, arrache de dépit le papier peint… et découvre un passage secret par lequel il débouche, en pyjama, sur un rocher perdu en plein océan. Il s’aperçoit vite qu’il n’est pas seul : une passerelle mène à un phare vertigineux, dans lequel vit Morgan, jeune homme idéaliste chassé de son archipel paradisiaque par un traître à son peuple. L’amitié entre les deux garçons est immédiate. Morgan, le fils de l’océan, fait le récit en plusieurs flashbacks du monde merveilleux d’où il vient, l’Orléande, où l’on célèbre l’équinoxe dans une fantastique Fête des Licornes. Un monde en danger toutefois, qu’il doit absolument rejoindre avant qu’il ne soit trop tard. Mais le terrifiant Dodécapus, pieuvre à 12 tentacules, veille au pied du phare… Timothée, par son ingéniosité et son courage, trouvera le moyen d’aider Morgan à se sauver du phare, pour aller sauver son peuple !
Nos commentaires
Cet album grand format est avant tout un bel objet très visuel qui se feuillette avec plaisir et embarquera sans problèmes les enfants dans un monde extra-ordinaire.
Le narrateur est l’enfant-héros qui se trouve projeté dans un autre monde, « de l’autre côté » de la peinture de sa chambre. Ce nouveau monde va lui réserver bien des surprises et lui offrir de belles découvertes.
Côté découvertes, la plus belle est celle de Morgan, « fils de l’océan », reclus au sommet d’un phare, qui attendait une délivrance depuis longtemps. Grâce à Timothée, son double et tout de suite son ami, il va pouvoir élaborer un plan pour se libérer de ce châtiment.
Découverte également du passé de Morgan, de sa vie sur une île après un naufrage, d’une civilisation inconnue, de son amour avec une indigène et de sa capture par un traitre à sa tribu.
Découverte enfin d’une amitié entre les deux garçons, qui va se fonder sur la confiance et le partage : recherche commune de solutions et imagination au pouvoir vont leur permettre de déterrer l’épée bloquée dans la pierre et, forts de cette arme, de se donner comme mission d’aller empêcher le traître de continuer son éradication des licornes de cette île. Pour cela, ils devront construire un bateau et éviter les pièges maritimes et fantastiques.
Côté surprises, celles liées au fantastique sont les plus inattendues : L’épée magique (qui emmène vers la chevalerie), le Dodécapus (rappelant les monstres de Jules Verne), les licornes (créatures légendaires). Elles apportent du mystère, de l’action et du suspense.
C’est donc une belle histoire d’aventure pleine de rebondissements et de suspense qui se termine positivement et permettra aux enfants de se retrouver au cœur de l’action, et d’en ressortir plus forts.
Au niveau de la construction narrative, l’aller-retour entre réalité et fantastique est classique avec un élément à franchir au départ et à retraverser à la fin. Le temps entre ces deux passages est suspendu, presque oublié, ravivé seulement par la peinture de la chambre qui garde preuve de ce qui a été vécu.
La vie dans l’autre monde est elle-même séparée en deux périodes : les actions que vit Timothée et les flashbacks de l’histoire de Morgan qui se glissent peu à peu dans la relation de leur vie commune. Le lecteur doit donc rassembler ces morceaux de puzzles pour comprendre l’origine de la présence de Morgan et la mission qu’il s’est assigné. Les illustrations sont d’une grande aide sur ce point.
Les actions que les deux enfants partagent sont toutes tournées vers ce but : il s’agit donc de récupérer l’épée, d’apprendre à se battre, de construire un bateau et d’arriver à s’échapper du phare sans être avalé par la pieuvre géante. Beaucoup d’ingéniosité se glisse dans ces étapes qui vont aussi surprendre le lecteur et lui permettront d’adhérer facilement à cette élaboration de stratégie. L’ensemble est vif et cohérent et se lit très facilement.
Seule la fin est un peu décevante. Le retour à la relation fraternelle, houleuse au début et subitement chaleureuse semble un peu fausse, comme le désir qui habite Timothée maintenant : retourner chercher Morgan avec sa sœur. On aurait aimé que le mystère continue à planer un peu plus pour garder à ce texte toute son ambiance fantastique…
Les illustrations
Max Ducos, de par sa formation en arts plastiques, excelle dans les représentations qui accompagnent le texte. Celles-ci sont à la gouache et donnent à voir autant qu’à lire.
Le texte de l’histoire est donc disposé en haut ou en bas de page, en regard des illustrations et est, lui aussi, assorti de petites vignettes illustratives.
Des gouaches en doubles-pages, avec texte inséré dans l’image, apparaissent aux moments-clés : la découverte du phare, la rencontre des deux enfants, l’évasion, les premiers jeux, toutes les étapes du départ (préparation, mise à l’eau, lutte du Dodécapus, disparition de Morgan) et le retour à la réalité. Cela donne de l’ampleur au cadre comme aux actions et permet de se projeter dans ces éléments.
Le découpage est très cinématographique, combinant de multiples points de vue : plongées, contre-plongées, zooms, plans rapprochés, plans larges, panoramiques. Certaines pages sont découpées en vignettes type BD qui donnent des étapes descriptives de ce qui est annoncé : entraînement au combat, construction du bateau. Cela varie toutes les visions des événements et donnent de l’élan à l’ensemble de l’histoire.
Les couleurs employées sont parfois un peu trop saturées et donc agressives mais restent dans la dynamique du récit. Les flashbacks sont, eux, en images plus petites, incrustées dans le texte et déclinées dans un dégradé de bleu-gris. Cela en facilite la compréhension par les enfants qui les identifieront facilement.
Les tracés sont très réalistes, dans les expressions comme dans les mouvements, ce qui ajoute au rythme de la narration.
La complémentarité texte-image est parfaite et beaucoup est à lire aussi dans ces illustrations.
C’est un album à lire et à relire pour tout voir et tout comprendre.
Pour aller plus loin :
• Echanges avec Max Ducos à propos de son album Le garçon du phare
• Qui est Max Ducos ? Vous retrouverez sa bibliographie sur son site personnel ainsi que des peintures, illustrations, portraits…qu’il a réalisés.
• Vous pouvez également retrouver une des ses interviews.
D’autres avis que le nôtre
Un chef d’œuvre tumultueux comme l’océan. TTT Télérama
Une belle réussite ! Ouest France
Un récit fantastique au romanesque flamboyant La Revue des livres pour enfants
Pour prolonger la lecture
L’association L.I.R.E avait sélectionné le premier album paru de Max Ducos en 2006, Jeu de piste à Volubilis.
Article mis en ligne le 19.11.2020