Mon passage secret
Auteur-illustrateur | Max Ducos |
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Editeur | Sarbacane-2021 |
Dans la maison de leurs grands-parents, ce dimanche-là, Liz et Louis s’ennuient à mourir. Pour les occuper, leur Papou marmonne : « j’ai une idée ! Cherchez mon passage secret : vous allez voir, c’est extraordinaire ! »
Mots-clés : famille, mystère, grands-parents, jeu-défi
Présentation
Un dimanche d’ennui et de pluie chez Papou et Maminou, c’est l’horreur pour Liz et Louis. Heureusement le vieux Papou qui commence un peu à perdre la mémoire leur propose de chercher son « passage secret ». Ni une ni deux, les deux enfants amateurs de mystère et de chasse au trésor foncent dans la première pièce indiquée par leur grand-père : sa chambre, où au fond d’un petit tunnel de cartons, tout fiers, ils rapportent un vieux train électrique…Ce qui réjouit l’aïeul. Mais hélas, ce n’est pas le passage secret qu’il a en tête. Perplexes, les enfants vont sur ses indications faire quatre autres tentatives, dans la salle de bains, la bibliothèque, la cave et le jardin. A chaque fois, ils trouvent bien un passage secret et rapportent un trésor de leurs explorations. A chaque fois, Papou est ravi de leurs trouvailles. Mais à chaque fois aussi il fait retomber leur enthousiasme : ce n’est jamais le bon passage secret. C’est Maminou, à la fin de l’histoire, qui va donner la clé du mystère : Mon passage secret est un livre que Papou a emprunté à la bibliothèque pour le leur lire ! Elle l’a rangé dans la cuisine… Joli quiproquo ! La journée se termine par une belle lecture à trois. Les enfants fatigués par leur journée pleine de péripéties s’endorment sur le canapé, ils ont oublié l’ennui et la pluie du dimanche, ils n’ont au final pas vu passer la journée…
Notre analyse
La couverture de l’album est faite d’un carton très épais, troué au milieu d’une ouverture carrée figurant l’entrée d’un passage secret qui ouvre sur un tunnel de vieilles pierres grises. Deux enfants s’y penchent, le garçon braque une lampe, la fille indique du doigt qu’elle a vu quelque chose : c’est par là qu’il faut s’engouffrer…Par ce découpage, Max Ducos invite le jeune lecteur à les suivre : Courage ! A nous l’aventure ! On ouvre le livre…
Qui connait d’autres albums de Max Ducos, notamment Jeu de piste à Volubilis (Prix Incorruptibles 2008), Vert secret (Prix Incorruptibles 2013), L’ange disparu ou Le royaume de minuit, sera surpris par les illustrations de cet album-ci, au style très différent. Cette fois, pas de géométrie futuriste. Max Ducos, formé aux Arts Déco de Paris, spécialisé en architecture et en modélisation 3D, peintre lui-même, opte cette fois pour des dessins beaucoup plus traditionnels et réalistes, avec un petit quelque chose d’ancien. Ce qui fera dire à Jean-Claude Mourlevat quand Mon passage secret reçoit le prix Landerneau 2022 que c’est « un album comme un bon vieux fauteuil ». On s’y enfonce avec délice et curiosité, c’est confortable, joyeux, humoristique et dynamique. (Nous avons juste regretté les yeux en boules noires des enfants ! …) C’est certainement moins esthétique et moins déroutant que les albums cités ci-dessus. Il y a en contre partie plus de réalisme, de chaleur humaine et de fantaisie.
Plus de réalisme dans ce sens où la maison des grands-parents est une maison traditionnelle avec ses vieux escaliers, ses photos aux murs, ses vieux volets en bois et sa cabane au jardin. Plus de chaleur humaine parce que nous sommes dans le cadre d’une relation intergénérationnelle classique entre un couple de vieux grands-parents aimants et deux enfants, relation où règnent manifestement la confiance et l’affection.
Et de la fantaisie malgré tout parce que la recherche des enfants va au fur et à mesure des lieux découverts devenir de plus en plus aventureuse, s’ouvrir sur des surprises de plus en plus étonnantes, et les trésors remontés seront de plus en plus extraordinaires : du tunnel sous les cartons de la chambre à la grande grotte préhistorique ornée de peintures rupestres, en passant par la crypte voûtée servant de tombe à un chevalier du Moyen-Age ; du vieux train électrique ayant appartenu au grand-père au crâne d’Homo Sapiens, en passant par un coffre à bijoux et des œuvres d’art signées Miro, F(ernand) L(éger) ou H(enri) M(atisse) ! Joli petit hommage à a la peinture moderne au passage !
Et là, nous retrouvons ce goût de Max Ducos pour les courses aux trésors, pour les carrelages déplacés, les boutons secrets sur lesquels appuyer, les trappes secrètes qui ouvrent à chaque fois sur des tunnels hasardeux, descendant de plus en plus profondément, pour des découvertes de plus en plus extraordinaires, pour tous ces espaces symboliques qu’il relie au monde de l’enfance. Pour tous ces passages secrets, justement, qui ouvrent la porte à de nouveaux mondes, à des découvertes extraordinaires au bout des labyrinthes, aux aventures qui, quelque part, changent la vie et font grandir. Des thèmes récurrents dans l’œuvre de l’auteur. Voir par exemple aussi « Le garçon du phare » que nous avions sélectionné sur notre site où un enfant traverse le papier peint de sa chambre pour se retrouver propulsé dans un autre monde.
Nous aimons l’humour tendre de l’album. Les aventures que vivent les enfants ne sont pas très difficiles, elles ne font pas vraiment peur ; les trésors ne sont pas non plus très compliqués à découvrir, même les derniers. Mais peu importe…Nous sommes dans l’enthousiasme, la curiosité, la fierté et l’émerveillement progressif de Liz et Louis. Nous avons envie de fouiner avec eux.
Les réactions du grand-père à la mémoire défaillante et le phénomène de répétition sont amusants aussi. Le vieil homme ne s’étonne de rien, ni de l’or caché ni des œuvres d’art, ni même du tombeau de chevalier et des restes préhistoriques trouvés dans les dessous de sa maison. Et le dernier dessin est joli, où on le voit à genoux en train de jouer avec son vieux train électrique alors que les enfants se sont endormis, complètement indifférent aux autres trésors beaucoup plus prestigieux. Retour à l’enfance…
Le récit est construit comme une mise en abyme puisque le livre découvert à la fin n’est autre que le livre que nous tenons dans nos mains, avec retour à la première phrase quand le grand-père en commence la lecture : « Cette histoire commence par un dimanche pluvieux ». La boucle est bouclée.
Pour finir, ce qui nous a aussi touchés au travers de ce livre, c’est qu’au bout du compte, le plus beau trésor de tous, bien plus précieux que tout l’or du monde, est la littérature, ce sont les livres et les histoires. Encore plus précieux si c’est un grand-père aimant qui nous les raconte et que par conséquent elles nous touchent de très près.
Prolongement
Sur le thème de l’ennui qui finalement se révèle une belle occasion de découvrir des choses importantes, vous trouverez sur notre site la présentation que nous avions faite d’Un grand jour de rien de Béatrice Alemagna.
Mise en ligne, mai 2022